.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


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jeudi 6 mars 2014

Leopoldo María Panero (1948 - 2014, Espagne)


En hommage au poète Leopoldo María Panero, mort le 5 mars 2014


DÉSIR D’ÊTRE PEAU ROUGE


La plaine infinie et le ciel son reflet.
Désir d’être peau rouge.
Aux villes sans air arrive parfois sans bruit
le hennissement d’un onagre ou le trot d’un bison.
Désir d’être peau rouge.
Sitting Bull est mort : aucun tambour
n’annonce son arrivée dans les Grandes Prairies.
Désir
d’être peau rouge.
Le cheval de fer traverse maintenant sans peur
des déserts brûlants de silence.
Désir d’être peau rouge.
Sitting Bull est mort et aucun tambour
afin de le faire revenir du royaume des ombres.
Désir d’être peau rouge.
Un dernier cavalier a traversé la plaine
infinie, laissant derrière lui une vaine
traînée de poussière, que le vent dissipe.
Désir d’être peau rouge.
Dans la Réserve ne niche pas
un serpent à sonnette, mais l’abandon.
DÉSIR D’ÊTRE PEAU ROUGE.
(Sitting Bull est mort, les tambours
le crient sans attendre de réponse.)


REQUIEM POUR UN POÈTE


Qu’est-ce que mon âme, tu demandes
à une image attachée.
C’est un dieu dans l’ombre
priant l’ombre.
C’est peut-être un esclave
léchant avec sa langue les restes de la vie.
La corde qu’au cou
nous portions attachée se détache facilement,
parce qu’elle n’est qu’illusion, la même chose que la vie,
que la douleur et la mort et le rêve d’argent.
Seule la vieillesse disent-ils répond à ta question.
Une peau ridée et un homme qui a honte
de se regarder dans le miroir assoiffé.
Un jour je mourrai. Un jour je serai seul,
chevauchant un élan dans la rue, et l’air
sera pour mes yeux le signal de la fuite.
Déjà mes mains ne seront plus mes mains,
ni un seul bon souvenir
ne me liera plus désormais à la vie.
Je verrai passer un enfant sur le trottoir de l’effroi
et je lui demanderai mon nom si demain je renais.


TANGER

                                           (Café Bar Tingis, Zocco Chicco)


Mourir dans des chiottes à Tanger
avec mon corps embrassant le sol
fin du poème et vérité de mon existence
où les aigles pénètrent à travers les fenêtres du soleil
et les anges enflamment leurs épées sur la porte des toilettes
où la merde a parlé de Dieu
se défaisant
peu à peu entre les mains
dans l’acte de la lecture
et un pigeon
sur des corps nus d’arabes
marchant, barbares, sur la pluie
et sur la tombe du poème introduisant leurs épées
et la mort.

Et un enfant en guenilles a léché mes mains
et mon cou, et m’a dit « Meurs,
c’est une belle ville pour mourir »
tu verras comment les oiseaux se traînent et crachent de l’eau par les narines
quand tu meurs
et comment Filis me prend dans ses bras et la ville se rend
devant le siège des condamnés
je préfère vivre au siège du néant
avec une marque de merde au front.



mardi 21 août 2012

Leopoldo María Panero (1948 - Espagne)






PROJET D’UN BAISER


Je te tuerai demain quand la lune sortira
et que le premier grèbe me dira son mot
je te tuerai demain peu avant l’aube
quand tu seras au lit, perdue dans tes rêves
et ce sera comme une copulation ou du sperme sur les lèvres
comme un baiser ou une étreinte, comme une action de grâce
je te tuerai demain quand la lune sortira
et que le premier grèbe me dira son mot
et dans son bec m’apportera l’ordre de ta mort
qui sera comme un baiser ou une action de grâce
ou comme une prière pour que le jour ne se lève pas
je te tuerai demain quand la lune sortira
et qu’aboiera le troisième chien à la neuvième heure
au dixième arbre sans feuilles ni sève
dont personne ne sait pourquoi il se tient debout sur la terre
je te tuerai demain quand la treizième feuille
tombera sur le sol de misère
et tu seras une feuille ou une grive pâle
qui revient dans le secret lointain du soir
je te tuerai demain, et tu demanderas pardon
pour cette chair obscène, pour ce sexe obscur
qui aura pour phallus l’éclat de ce fer
qui aura pour baiser le sépulcre, l’oubli
je te tuerai demain quand la lune sortira
et tu verras comme tu es belle une fois morte
toute couverte de fleurs, les bras en croix
et les lèvres closes comme lorsque tu priais
ou m’implorais la parole encore une fois
je te tuerai demain quand la lune sortira,
et ainsi dans ce ciel qu’évoquent les légendes
dès demain tu t’inquièteras de moi et mon salut
je te tuerai demain quand la lune sortira
quand tu verras un ange armé d’une dague
nu et silencieux devant ton lit blême
je te tuerai demain et tu verras que tu éjacules
quand ce froid passera entre tes deux jambes
je te tuerai demain quand la lune sortira
je te tuerai demain et j’aimerai ton fantôme
et je courrai jusqu’à ta tombe les nuits où de nouveau
brûleront dans ce phallus tremblant que j’ai
les rêves du sexe, les mystères du sperme
et ainsi ta stèle sera pour moi le premier lit
où rêver des dieux, des arbres, des mères
où jouer aussi avec les dés de la nuit
je te tuerai demain quand la lune sortira
et que le premier grèbe me dira son mot.


PROYECTO DE UN BESO

Te mataré mañana cuando la luna salga
y el primer somormujo me diga su palabra
te mataré mañana poco antes del alba
cuando estés en el lecho, perdida entre los sueños
y será como cópula o semen en los labios
como beso o abrazo, o como acción de gracias
te mataré mañana cuando la luna salga
y el primer somormujo me diga su palabra
y en el pico me traiga la orden de tu muerte
que será como beso o como acción de gracias
o como una oración porque el día no salga
te mataré mañana cuando la luna salga
y ladre el tercer perro en la hora novena
en el décimo árbol sin hojas ya ni sabia
que nadie sabe ya por qué está en pie en la tierra
te mataré mañana cuando caiga la hoja
decimotercera al suelo de miseria
y serás tú una hoja o algún tordo pálido
que vuelve en el secreto remoto de la tarde
te mataré mañana, y pedirás perdón
por esa carne obscena, por ese sexo oscuro
que va a tener por falo el brillo de este hierro
que va a tener por beso el sepulcro, el olvido
te mataré mañana cuando la luna salga
y verás cómo eres de bella cuando muerta
toda llena de flores, y los brazos cruzados
y los labios cerrados como cuando rezabas
o cuando me implorabas otra vez la palabra
te mataré mañana cuando la luna salga,
y así desde aquel cielo que dicen las leyendas
pedirás ya mañana por mí y mi salvación
te mataré mañana cuando la luna salga
cuando veas a un ángel armado de una daga
desnudo y en silencio frente a tu cama pálida
te mataré mañana y verás que eyaculas
cuando pase aquel frío por entre tus dos piernas
te mataré mañana cuando la luna salga
te mataré mañana y amaré tu fantasma
y correré a tu tumba las noches en que ardan
de nuevo en ese falo tembloroso que tengo
los ensueños del sexo, los misterios del semen
y será así tu lápida para mí el primer lecho
para soñar con dioses, y árboles, y madres
para jugar también con los dados de noche
te mataré mañana cuando la luna salga
y el primer somormujo me diga su palabra.





JOURNAL DU SÉDUCTEUR

Ce n’est pas ton sexe qu’en ton sexe je cherche
mais salir ton âme :
                          déflorer
avec toute la boue de la vie
ce qui n’a pas encore vécu.

DIARIO DE UN SEDUCTOR

No es tu sexo lo que en tu sexo busco
sino ensuciar tu
alma:
           desflorar
con todo el barro de la vida
lo que aún no ha vivido.


De Territoire de la peur/Territorio
del
miedo  Editions L’Oreille du Loup, 2011

Leopoldo María Panero (1948 - Espagne)



[…]


Qui sait ce qu’a voulu faire Chatterton
avec son suicide : quelle promesse
à une femme ou quelle blessure au vent.
Il n’a pas brisé la réalité, il n’a pas enfoncé le couteau
dans la chair cruelle de ce qui vit.
Aujourd’hui sans lui, sans son suicide, puisque pire est la vie
qui mouille les cadavres avec des larmes de fange.
Qui sait ce qu’a voulu Chatterton avec son suicide,
dire quel mot, quel cri à personne
quel signe qui ne serait pas déblayé par le balai
anonyme du temps.
Qui sait ce qu’il nous a dit, quel espoir il avait,
et si malgré tout nous pouvons encore
grâce à lui, dans les jours pluvieux
quand la solitude menace et guettent
dans l’ombre les souvenirs,
avoir confiance dans le mystère de la mort.

[…]


Quién sabe lo que quiso Chatterton
hacer con su suicidio: qué promesa
a una mujer o qué herida en el viento.
No quebró la realidad, no hundió el cuchillo
en la carne cruel de lo que vive.
Hoy sin él, sin su suicidio, porque es peor la vida
que moja los cadáveres con lágrimas de cieno.
Quién sabe lo que quiso Chatterton con su suicidio,
qué palabra decir, qué grito a nadie
qué signo que no fuera barrido por la escoba
anónima del tiempo.
Quién sabe qué nos dijo, qué esperanza tenía,
y si a pesar de todo aún podemos
gracias a él, en los días de lluvia
cuando amenaza la soledad, y acechan
en la sombra los recuerdos,
confiar en el misterio de la muerte.



LE FOU QUI REGARDE DEPUIS LA PORTE DU JARDIN

Homme normal qui pour un moment
croises ta vie avec celle de l’épouvantail
tu dois savoir que ce ne fut pas pour avoir tué le pélican
mais pour rien pour être couché ici parmi d’autres tombes
et qu’à rien sinon au hasard et à aucune volonté sacrée
de démon ou de dieu je ne dois ma ruine.


EL LOCO MIRANDO DESDE LA PUERTA DEL JARDÍN

Hombre normal que por un momento
cruzas tu vida con la del esperpento
has de saber que no fue por matar al pelícano
sino por nada por lo que yazgo aquí entre otros sepulcros
y que a nada sino al azar y a ninguna volutad sagrada
de demonio o de dios debo mi ruina.



TANGER

(Café Bar Tingis, Zocco Chicco)

Mourir dans des chiottes à Tanger
avec mon corps embrassant le sol
fin du poème et vérité de mon existence
où les aigles pénètrent à travers les fenêtres du soleil
et les anges enflamment leurs épées sur la porte des toilettes
où la merde a parlé de Dieu
se défaisant
peu à peu entre les mains
dans l’acte de la lecture
et un pigeon
sur des corps nus d’arabes
marchant, barbares, sur la pluie
et sur la tombe du poème introduisant leurs épées
et la mort.

Et un enfant en guenilles a léché mes mains
et mon cou, et m’a dit « Meurs,
c’est une belle ville pour mourir »
tu verras comment les oiseaux se traînent et crachent de
   l’eau par les narines
quand tu meurs
et comment Filis me prend dans ses bras et la ville se rend
devant le siège des condamnés
je préfère vivre au siège du néant
avec une marque de merde au front.


TÁNGER

(Café Bar Tingis, Zocco Chicco)

Morir en un wáter de Tánger
con mi cuerpo besando el suelo
fin del poema y verdad de mi existencia
donde las águilas entran a través de las ventanas del sol
y los ángeles hacen llamear sus espadas en la puerta del retrete
donde la mierda habló de Dios
deshaciéndose
poco a poco entre las manos
en el acto de la lectura
y una paloma
sobre cuerpos nudos del árabes
caminando, bárbaros, sobre la lluvia
y sobre la tumba del poema implantando sus espadas
y la muerte.

Y un niño harapiento lamió mis manos
y mi cuello, y me dijo “Muere,
es hermosa ciudad para morir”
verás cómo los pájaros se arrastran y escupen agua por las narices
cuando mueras
y cómo Filis me abraza y la ciudad se rinde
ante el asedio de los condenados
prefiero vivir al asedio de nadie
con una marca de mierda en la frente.




De Territoire de la peur/Territorio del miedo  Editions L’Oreille du Loup, 2011

Leopoldo María Panero (1948 - Espagne)



DÉSIR D’ÊTRE PEAU ROUGE

La plaine infinie et le ciel son reflet.
Désir d’être peau rouge.
Aux villes sans air arrive parfois sans bruit
le hennissement d’un onagre ou le trot d’un bison.
Désir d’être peau rouge.
Sitting Bull est mort : aucun tambour
n’annonce son arrivée dans les Grandes Prairies.
Désir
d’être peau rouge.
Le cheval de fer traverse maintenant sans peur
des déserts brûlants de silence.
Désir d’être peau rouge.
Sitting Bull est mort et aucun tambour
afin de le faire revenir du royaume des ombres.
Désir d’être peau rouge.
Un dernier cavalier a traversé la plaine
infinie, laissant derrière lui une vaine
traînée de poussière, que le vent dissipe.
Désir d’être peau rouge.
Dans la Réserve ne niche pas
un serpent à sonnette, mais l’abandon.
DÉSIR D’ÊTRE PEAU ROUGE.
(Sitting Bull est mort, les tambours
le crient sans attendre de réponse.)


DESEO DE SER PIEL ROJA

La llanura infinita y el cielo su reflejo.
Deseo de ser piel roja.
A las ciudades sin aire llega a veces sin ruido
el relincho de un onagro o el trotar de un bisonte.
Deseo de ser piel roja.
Sitting Bull ha muerto: no hay tambores
que anuncien su llegada a las Grandes Praderas.
Deseo
de ser piel roja.
El caballo de hierro cruza ahora sin miedo
desiertos abrasados de silencio.
Deseo de ser piel roja.
Sitting Bull ha muerto y no hay tambores
para hacerlo volver desde el reino de las sombras.
Deseo de ser piel roja.
Cruzó un último jinete la infinita
llanura, dejó tras de sí vana
polvareda, que luego se deshizo en el viento.
Deseo de ser piel roja.
En la Reservación no anida
serpiente cascabel, sino abandono.
DESEO DE SER PIEL ROJA;
(Sitting Bull ha muerto, los tambores
lo gritan sin esperar respuesta.)



LA CHANSON D’AMOUR DU TRAFIQUANT DE MARIHUANA

Et pourquoi mourir si dans les quartiers où
le carmin a remplacé le sang
on nous donne pour 125 pesetas quelque chose qui selon
   leur dire est un succédané du miel
même si parfois on y trouve noyés des cils
qu’il faut séparer avec soin avant de s’en servir
une patte d’oiseau pour vingt balles ! OCCASION le trou
dont nous avons tant besoin pour y mettre notre énorme tête
et en l’espace de deux heures ne plus rien entendre que le
   bruit qu’elle produit elle-même
(quelque chose comme un fleuve de fange)
qu’est-ce que vous attendez, qu’est-ce que vous attendez pour déterrer
les morceaux de verres colorés que le sable a bus
ou les caramels qui en passant par vos intestins deviennent
   cette chose d’agréable en rien au toucher, au goût ni à l’odeur
ou les chiens avec lesquels on jouait au coin tandis que les
   voitures en passant nous couvraient de boue
enfin tout, les flèches et les kermesses
et tout ça pour un si petit prix, messieurs, pour un si petit prix
un vieil Arlequin dansera dans vos pupilles
un serpent avec des béquilles y viendra nicher
un vent, peut-être, je le reconnais un peu fatigué et avec l’envie
   de retourner à la maison
essaiera de vous nettoyer les cendriers
et tout ça pour un si petit prix, messieurs, pour un si petit prix.


LA CANCIÓN DE AMOR DEL TRAFICANTE DE MARIHUANA

Y para qué morir si en los barrios adonde
el carmín sustituye a la sangre
nos dan por 125 ptas. algo que según dicen es un sucedáneo de la miel
aunque a veces contiene pestañas ahogadas en ella
que hay que separar cuidadosamente antes de usarla
¡una pata de pájaro por veinte duros! OCASIÓN el hueco
que tanto necesitábamos para meter en él nuestra enorme cabeza
y en el espacio de dos horas no oír más que el ruido que ella
   misma produce
(algo así como un río de lodo)
qué es lo que esperan, qué es lo que esperan para desenterrar
los pedazos de vidrio de colores que la arena se ha tragado
o los caramelos que al pasar por sus intestinos se convierten
   en algo nada grato al tacto, al gusto y al olfato
o los perros con que jugábamos en la esquina mientras los
   autos al pasar nos llenaban de barro
todo en fin, las flechas y verbenas
y todo por tan poco precio, señores, por tan poco precio
un viejo Arlequín bailará en sus pupilas
una serpiente con muletas anidará en ellas
un viento, quizás, lo reconozco un poco cansado y con ganas
   de irse a su casa
tratará de limpiarle a Vd. los ceniceros
y todo por tan poco precio, señores, por tan poco precio.



TERRITOIRE DE LA PEUR

Elle est seule l’araignée dans la toile de la peur
elle est seule et elle lutte contre les étoiles de la peur
et elle chante, chante l’araignée des chansons à la peur
qui disent par exemple : la peur est une
femme qui marche pieds nus dans la neige
dans la neige de la peur, priant, réclamant à Dieu à genoux
qu’il n’y ait pas de sens, et que
marche la mort dans les rues
toute nue, offrant son sexe et ses mains pour
nous accompagner dans la Peur.


TERRITORIO DEL MIEDO

Está sola la araña en el telar del miedo
está sola y lucha contra las estrellas del miedo
y canta, canta la araña canciones al miedo
que dicen por ejemplo: el miedo es una
mujer que camina descalza en la nieve
en la nieve del miedo, rezando, pidiendo a Dios de rodillas
que no haya sentido, y que
camine la muerte por las calles
denuda, ofreciendo su sexo y mano para
acompañarnos en el Miedo.



LA PRIÈRE

Et la mère réprimanda l’enfant, et dit
que fais-tu à ne pas veiller le cadavre
et il mit sa bouche sur ce phallus, et
goba lentement comme d’une nourriture
parce que ce mort était l’encens
qui purifiait les
bien connues puanteurs du théâtre, sa
trouble agonie de telle sorte qu’au crépuscule la mère répétait
sortant d’un coup du sommeil Mon fils va et regarde
au fond pour savoir s’il dort ou s’il pense à nous
et n’oublie jamais de veiller le cadavre :
qu’il nous absolve, dis-lui, que nous avons beaucoup vécu
et nous trébuchons déjà contre les meubles, et l’âme est
pourrie, et elle sent
trop, beaucoup trop ; va et regarde s’il pense à nous
et l’enfant gobait à cet anus ouvert.


LA ORACIÓN

Y la madre reprendió al niño, y dijo
qué haces que no velas el cadáver
y él puso su boca en aquel falo, y
sorbió lentamente como de un alimento
porque el muerto ese era el incienso
que purificaba los
sabidos hedores del teatro, su
turbia agonía de modo que al crepúsculo la madre repetía
de golpe despertando del sueño Hijo mío ve y mira
al fondo para saber si duerme o si nos piensa
y no te olvides nunca de velar el cadáver:
que nos absuelva, dile, que hemos vivido mucho
y tropezamos ya con los muebles, y el alma está
podrida, y huele
demasiado, demasiado: ve y mira si nos piensa
y el hijo sorbía de aquel ano abierto.


De Territoire de la peur/Territorio del miedo  Editions L’Oreille du Loup, 2011