En hommage au poète
Leopoldo María Panero, mort le 5 mars 2014
DÉSIR D’ÊTRE PEAU ROUGE
La plaine infinie
et le ciel son reflet.
Désir d’être peau
rouge.
Aux villes sans
air arrive parfois sans bruit
le hennissement
d’un onagre ou le trot d’un bison.
Désir d’être peau
rouge.
Sitting Bull est
mort : aucun tambour
n’annonce son
arrivée dans les Grandes Prairies.
Désir
d’être peau
rouge.
Le cheval de fer
traverse maintenant sans peur
des déserts
brûlants de silence.
Désir d’être peau
rouge.
Sitting Bull est
mort et aucun tambour
afin de le faire
revenir du royaume des ombres.
Désir d’être peau
rouge.
Un dernier
cavalier a traversé la plaine
infinie, laissant
derrière lui une vaine
traînée de
poussière, que le vent dissipe.
Désir d’être peau
rouge.
Dans la Réserve
ne niche pas
un serpent à
sonnette, mais l’abandon.
DÉSIR D’ÊTRE PEAU ROUGE.
(Sitting Bull est
mort, les tambours
le crient sans
attendre de réponse.)
▼
REQUIEM POUR UN POÈTE
Qu’est-ce que mon âme, tu demandes
à une image attachée.
C’est un dieu dans l’ombre
priant l’ombre.
C’est peut-être un esclave
léchant avec sa langue les restes de la vie.
La corde qu’au cou
nous portions attachée se détache facilement,
parce qu’elle n’est qu’illusion, la même chose
que la vie,
que la douleur et la mort et le rêve d’argent.
Seule la vieillesse disent-ils répond à ta
question.
Une peau ridée et un homme qui a honte
de se regarder dans le miroir assoiffé.
Un jour je mourrai. Un jour je serai seul,
chevauchant un élan dans la rue, et l’air
sera pour mes yeux le signal de la fuite.
Déjà mes mains ne seront plus mes mains,
ni un seul bon souvenir
ne me liera plus désormais à la vie.
Je verrai passer un enfant sur le trottoir de
l’effroi
et je lui demanderai mon nom si demain je
renais.
▼
TANGER
(Café
Bar Tingis, Zocco Chicco)
Mourir dans des chiottes à Tanger
avec mon corps embrassant le sol
fin du poème et vérité de mon existence
où les aigles pénètrent à travers les fenêtres
du soleil
et les anges enflamment leurs épées sur la porte
des toilettes
où la merde a parlé de Dieu
se défaisant
peu à peu entre les mains
dans l’acte de la lecture
et un pigeon
sur des corps nus d’arabes
marchant, barbares, sur la pluie
et sur la tombe du poème introduisant leurs
épées
et la mort.
Et un enfant en guenilles a léché mes mains
et mon cou, et m’a dit « Meurs,
c’est une belle ville pour mourir »
tu verras comment les oiseaux se traînent et
crachent de l’eau par les narines
quand tu meurs
et comment Filis me prend dans ses bras et la ville
se rend
devant le siège des condamnés
je préfère vivre au siège du néant
avec une marque de merde au front.