.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


mardi 21 août 2012

Leopoldo María Panero (1948 - Espagne)






PROJET D’UN BAISER


Je te tuerai demain quand la lune sortira
et que le premier grèbe me dira son mot
je te tuerai demain peu avant l’aube
quand tu seras au lit, perdue dans tes rêves
et ce sera comme une copulation ou du sperme sur les lèvres
comme un baiser ou une étreinte, comme une action de grâce
je te tuerai demain quand la lune sortira
et que le premier grèbe me dira son mot
et dans son bec m’apportera l’ordre de ta mort
qui sera comme un baiser ou une action de grâce
ou comme une prière pour que le jour ne se lève pas
je te tuerai demain quand la lune sortira
et qu’aboiera le troisième chien à la neuvième heure
au dixième arbre sans feuilles ni sève
dont personne ne sait pourquoi il se tient debout sur la terre
je te tuerai demain quand la treizième feuille
tombera sur le sol de misère
et tu seras une feuille ou une grive pâle
qui revient dans le secret lointain du soir
je te tuerai demain, et tu demanderas pardon
pour cette chair obscène, pour ce sexe obscur
qui aura pour phallus l’éclat de ce fer
qui aura pour baiser le sépulcre, l’oubli
je te tuerai demain quand la lune sortira
et tu verras comme tu es belle une fois morte
toute couverte de fleurs, les bras en croix
et les lèvres closes comme lorsque tu priais
ou m’implorais la parole encore une fois
je te tuerai demain quand la lune sortira,
et ainsi dans ce ciel qu’évoquent les légendes
dès demain tu t’inquièteras de moi et mon salut
je te tuerai demain quand la lune sortira
quand tu verras un ange armé d’une dague
nu et silencieux devant ton lit blême
je te tuerai demain et tu verras que tu éjacules
quand ce froid passera entre tes deux jambes
je te tuerai demain quand la lune sortira
je te tuerai demain et j’aimerai ton fantôme
et je courrai jusqu’à ta tombe les nuits où de nouveau
brûleront dans ce phallus tremblant que j’ai
les rêves du sexe, les mystères du sperme
et ainsi ta stèle sera pour moi le premier lit
où rêver des dieux, des arbres, des mères
où jouer aussi avec les dés de la nuit
je te tuerai demain quand la lune sortira
et que le premier grèbe me dira son mot.


PROYECTO DE UN BESO

Te mataré mañana cuando la luna salga
y el primer somormujo me diga su palabra
te mataré mañana poco antes del alba
cuando estés en el lecho, perdida entre los sueños
y será como cópula o semen en los labios
como beso o abrazo, o como acción de gracias
te mataré mañana cuando la luna salga
y el primer somormujo me diga su palabra
y en el pico me traiga la orden de tu muerte
que será como beso o como acción de gracias
o como una oración porque el día no salga
te mataré mañana cuando la luna salga
y ladre el tercer perro en la hora novena
en el décimo árbol sin hojas ya ni sabia
que nadie sabe ya por qué está en pie en la tierra
te mataré mañana cuando caiga la hoja
decimotercera al suelo de miseria
y serás tú una hoja o algún tordo pálido
que vuelve en el secreto remoto de la tarde
te mataré mañana, y pedirás perdón
por esa carne obscena, por ese sexo oscuro
que va a tener por falo el brillo de este hierro
que va a tener por beso el sepulcro, el olvido
te mataré mañana cuando la luna salga
y verás cómo eres de bella cuando muerta
toda llena de flores, y los brazos cruzados
y los labios cerrados como cuando rezabas
o cuando me implorabas otra vez la palabra
te mataré mañana cuando la luna salga,
y así desde aquel cielo que dicen las leyendas
pedirás ya mañana por mí y mi salvación
te mataré mañana cuando la luna salga
cuando veas a un ángel armado de una daga
desnudo y en silencio frente a tu cama pálida
te mataré mañana y verás que eyaculas
cuando pase aquel frío por entre tus dos piernas
te mataré mañana cuando la luna salga
te mataré mañana y amaré tu fantasma
y correré a tu tumba las noches en que ardan
de nuevo en ese falo tembloroso que tengo
los ensueños del sexo, los misterios del semen
y será así tu lápida para mí el primer lecho
para soñar con dioses, y árboles, y madres
para jugar también con los dados de noche
te mataré mañana cuando la luna salga
y el primer somormujo me diga su palabra.





JOURNAL DU SÉDUCTEUR

Ce n’est pas ton sexe qu’en ton sexe je cherche
mais salir ton âme :
                          déflorer
avec toute la boue de la vie
ce qui n’a pas encore vécu.

DIARIO DE UN SEDUCTOR

No es tu sexo lo que en tu sexo busco
sino ensuciar tu
alma:
           desflorar
con todo el barro de la vida
lo que aún no ha vivido.


De Territoire de la peur/Territorio
del
miedo  Editions L’Oreille du Loup, 2011