.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


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dimanche 1 mai 2016

Enrique Lihn (1929-1988, Chili)




Parce que j’ai écrit je ne me suis
ni retrouvé dans la maison du bourreau
ni laissé transporter par l’amour de Dieu
ni je n’ai accepté que les hommes soient des dieux
ni comme scribe je me suis fait désirer
ni la pauvreté ne m’a paru atroce
ni le pouvoir une chose désirable
ni les mains je me suis lavé ou sali
ni n’étaient vierges mes meilleures copines
ni je n’ai eu d’ami pharisien
ni malgré la colère
je n’ai voulu détruire un ennemi.
Mais j’ai écrit et je meurs par moi-même,
Parce que j’ai écrit parce que j’ai écrit je suis vivant.



Porque escribí no estuve en casa del verdugo
ni me dejé llevar por el amor a Dios
ni acepté que los hombres fueran dioses
ni me hice desear como escribiente
ni la pobreza me pareció atroz
ni el poder una cosa deseable
ni me lavé ni me ensucié las manos
ni fueron vírgenes mis mejores amigas
ni tuve como amigo a un fariseo
ni a pesar de la cólera
quise desbaratar a mi enemigo.
Pero escribí y me muero por mi cuenta,
porque escribí porque escribí estoy vivo.





Roue de la fortune


Roue de la fortune qui tourne à mes dépens
J’étais avec toi hier, reine des cœurs
aujourd’hui je suis au néant dans un lit de poussière
(comme pour allumer une cigarette en ton nom
et revenir explosivement à ce vice)
Roue de la Fortune Médiévale qui jusqu’à aujourd’hui
tourne avec l’énergie d’une bête
Hier toi et moi faisions l’amour
comme si cela n’était pas le paradis
Par la violence on nous a expulsés de là
quand bien même nous voulions
être l’un et l’autre d’innocents serpents

Triomphe, triomphe la roue, jetant à terre
la reine, brisant le luth de goliard
faisant un monument funéraire
du bonheur de certains jours.


Rueda de la fortuna


Rueda de la fortuna que a mis expensas giras
Contigo estuve ayer, reina de corazones
hoy estoy en la nada en un lecho de pólvora
(como para encender un cigarrillo en tu nombre
y volver explosivamente a ese vicio)
Rueda de la Fortuna Medieval que hasta el día de hoy
gira con la energía de una bestia
Ayer tú y yo hicimos el amor
como si eso no fuera el paraíso
Por la violencia fuimos expulsados de allí
por mucho que quisiéramos
ser el uno y el otro inocentes serpientes.

Triunfa, triunfa la rueda, poniendo boca abajo
a la reina, rompiendo el laúd de goliardo
haciendo un monumento funerario
de la felicidad de algunos días.





Il n’y a que deux pays : celui des biens portants et celui des malades
on peut jouir un temps de la double nationalité
mais, à la longue, ça n’a pas de sens
Ça fait mal de se séparer, petit à petit, des biens portants avec qui
nous continuerons d
être liés, jusqu’à la mort
séparément liés
Avec les malades se forme une complicité croissante
qui ne ressemble en rien à l’amitié ou l’amour
(ces mythologies qui donnent leurs derniers fruits à quelques pas de la hache)
On commence à envoyer et à recevoir des messages de nos vrais
concitoyens
un mot d’encouragement
une brochure sur le cancer


Hay sólo dos países: el de los sanos y el de los enfermos
por un tiempo se puede gozar de doble nacionalidad
pero, a la larga, eso no tiene sentido
Duele separarse, poco a poco, de los sanos a quienes
seguiremos unidos, hasta la muerte
separadamente unidos
Con los enfermos cabe una creciente complicidad
que en nada se parece a la amistad o el amor
(esas mitologías que dan sus últimos frutos a unos pasos del hacha)
Empezamos a enviar y recibir mensajes de nuestros verdaderos
conciudadanos
una palabra de aliento
un folleto sobre el cáncer





Seuls les morts ne pensent pas qu’ils travaillent
ils ne pensent pas non plus qu’ils ne pensent pas
ni qu’ils antitravaillent
ils parviennent à ce nirvana
à travers le hasard ou par l’erreur
des initiés
aux antipodes de la sagesse
Leur ultime destin est, de toute façon, le même


Únicamente los muertos no piensan que trabajan
ni piensan que no piensan ni antitrabajan
llegan a ese nirvana
a través del azar o con el error
de los iniciados
en las antípodas de la sabiduría
Su último destino es, en cualquier caso, el mismo





La ville du Moi


La ville du Moi devrait se paralyser
quand la mort entre en elle
Toute son activité n’est rien devant le rien
que le veuillent ou non les voyageurs agités
qui inutilement continuent
d’entrer et sortir de la ville
sous la main qui désormais
transforme en ombre tout ce qu’elle touche
La simple inertie, cependant, réveille
chez le gouverneur un espoir condamné
Devant la mort il se refuse à capituler
bien que touché par elle il soit une ombre
mais une ombre de quelque chose, agrippée
à l’imitation de la vie.


La ciudad del Yo


La ciudad del Yo debiera paralizarse
cuando entra en ella la muerte
Toda su actividad es nada ante la nada
quiéranlo o no los agitados viajeros
que inútilmente siguen
entrando y saliendo de la ciudad
bajo la mano ahora
que convierte en sombras todo lo que toca
La mera inercia, sin embargo, despierta
en el gobernador una desahuciada esperanza
Ante la muerte se resiste a capitular
aunque tocado por ella es una sombra
pero una sombra de algo, aferrada
a la imitación de la vida.

jeudi 30 août 2012

Enrique Lihn (1929-1988, Chili)




La vieillesse de Narcisse

Je me regarde dans le miroir et ne vois pas mon visage.
J’ai disparu : le miroir est mon visage.
J’ai disparu ;
car à force de me voir dans ce miroir cassé
j’ai perdu le sens de mon visage
ou, à force de le raconter, il m’est devenu infini
ou le néant qui en lui, comme en toutes choses,
se cachait, le cache,
le néant qui est en tout comme le soleil dans la nuit
et je suis ma propre absence devant un miroir cassé.


La vejez de Narciso



Me miro en el espejo y no veo mi rostro.
He desaparecido: el espejo es mi rostro.
Me he desaparecido;
porque de tanto verme en este espejo roto
he perdido el sentido de mi rostro
o, de tanto contarlo, se me ha vuelto infinito
o la nada que en él, como en todas las cosas,
se ocultaba, lo oculta,
la nada que está en todo como el sol en la noche
y soy mi propia ausencia frente a un espejo roto.




Moi le livre

Le corps aussi se décompose
parce qu’on le feuillette distraitement.
Je suis un imbroglio de papier maltraité
entre les mains d’une lectrice peu attentive
un magazine dans une salle d’attente
qui finira un de ces prochains jours
dans le sac noir de polyéthylène.
Avant que cela n’arrive, lis en moi
le dernier chapitre de notre histoire commune
pour que tu saches.


Yo el libro

También el cuerpo se descompagina
porque lo hojeen distraídamente.
Soy un imbroglio de maltratado papel
entre las manos de una lectora poco atenta
un magazine en una sala de espera
que irá a parar en unos días más
a la bolsa negra de polietileno.
Antes de que esto ocurra, lee en mí
el último capítulo de nuestra historia en común
para que sepas.