CONSIDÉRATION SUR
LE THÉÂTRE ALLEMAND
aujourd’hui tu as encore mangé de la soupe à la citrouille
debout devant la fenêtre et tu as pris une douche
pour recevoir la femme que tu as connue
hier à la boulangerie où tu achètes le
journal que tu lis les matins. lentement
assis à table, tu bois un café au lait
tu manges du pain avec du fromage, tu es le geste
d’un autre temps, un drôle d’oiseau dans une boîte
blanche avec de grands murs typish Altbau. tu es
l’image vivante de l’Europe avec ton affiche de
Rothko que je déteste et j’oublie de te dire
que je déteste, mais la meuf qui te rend visite on dirait
bien qu’elle s’en fout, elle ne la regarde pas, même toi
elle ne te regarde pas, elle arrange ses cheveux, son bob
élégant. il y a du vin dans des tasses, Brecht entre dans
la conversation et les jambes dans le lavabo
des langues et qui, dis-moi, qui
pourrait faire l’amour du premier coup
sans pauses, sans hésitations, sans erreur. toi et
l’image vivante de l’Europe, un drôle
d’oiseau quand la meuf s’en va et tu restes avec
la main entre les jambes, la télé allumée
avant de me fermer le store dis-moi où
est ton lit, si tu dors recroquevillé ou combien
de fois tu éteins le réveil. je reste avec
mes questions entourée de mégots, en-dehors
de ton rêve, sur le rivage de ton Europe,
dans ton obscurité. je te promets que la prochaine
fois que je te rencontre je crierai :
« Facundo, Facundo laisse la lumière allumée
cette nuit » même si tu ne réponds pas à
mon appel, même si ce n’est pas ton nom.
CONSIDERACIONES SOBRE
EL TEATRO ALEMÁN
hoy también cenaste sopa de calabaza
de pie junto a la ventana y te has duchado
para recibir a la mujer que conociste
ayer en la panadería donde comprás el
diario que leés en las mañanas. despacio
a la mesa sentado, tomás el café con leche
comés el pan con queso. sos el gesto de
un tiempo otro, un bichito raro en una caja
blanca de paredes altas typisch altbau. sos
la viva imagen de europa con tu afiche de
rothko que odio y que olvido decirte que
odio, pero que a la flaca que te visita parece
no importarle, pues ni lo mira ni te mira
a vos, sino que se arregla su pelo, su delicado
bob. hay vino en tazas, entra Brecht a la
conversación y las piernas en el lavaplatos
de las lenguas y quién, decime, quién
pudiese hacer el amor de un solo intento
sin pausas, sin titubeos, sin error. vos y
la viva imagen de Europa, un bichito
raro cuando se va la flaca y te quedás con
la mano en la entrepierna, con la tele prendida
antes de cerrarme la persiana decime dónde
está tu cama, si dormís acurrucado o cuántas veces
apagás el despertador. me quedo con las preguntas
rodeada de colillas, afuera de tu sueño, a orillas
de tu Europa, a oscuras de vos. te prometo que
la próxima vez que te encuentre voy a gritar:
«facundo, facundo dejá las luces encendidas
esta noche» aunque no vayas a responder a mi
llamado, aunque ese no sea tu nombre.