.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


dimanche 5 août 2018

Adalber Salas Hernández (1987 – Venezuela)





V


Les ongles coupés, les dents
de lait, les peaux arrachées avec
promptitude, les habits amnésiques, la
sueur, l’encre invisible du corps,
la syllabe ouverte du sang
menstruel, le sperme séché devenu
cicatrice de sel sur le drap.
Toute cette chronique illisible, huile
qui stagne bien au-dessous
des jours, qui se réchauffe avec
une rage poisseuse. Testament
empilé du corps, dépouilles
et vertèbres malingres, fluides
à moitié caillés.
Ce qui se consume, mais ne
se mesure pas. Ce que nous volent
les rats tandis que nous dormons,
les miettes et les grumeaux comme
de bref caillots fermentés
dans le sommeil. La peau, cette eau fine
que tous naviguent avec la même peur.



V


Las uñas cortadas, los dientes
de leche, los pellejos arrancados
con diligencia, la ropa amnésica, el
sudor, la tinta invisible del cuerpo,
la sílaba abierta de la sangre
menstrual, el semen seco hecho
cicatriz de sal sobre la sábana.
Toda esta crónica ilegible, aceite
que se empoza muy abajo
de los días, que se calienta con
rabia pegostosa. Testamento
amontonado del cuerpo, despejos
y vértebras enclenques y fluidos
a medio cuajar.
Lo que se gasta, pero no
se mide. Lo que nos roban
las ratas mientras dormimos,
las migajas y los grumos como
coágulos breves fermentados
en el sueño. La piel, esa agua delgada
que todos navegan con el mismo miedo.