.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


lundi 2 octobre 2017

Eleonora Finkelstein (1960 – Argentine)





Circé ou les ruines


Ce corps dans lequel j’habite
ou suis,
en général je m’en fiche.
C’est pourquoi il est là, si tu le veux.
Je dirai : qui est-ce
couchée là, les yeux
cloués au plafond ?
Celle aux doigts comme des poignards
sur la nuque de l’animal ?
Je suis vieille mais je me souviens
comment répandre le sang
et dans mes ongles je suis vivante comme d’autres
s’installent dans leur tête.
Avec eux, mes précieux,
je peux encore égorger un porc
ou te déchirer le cœur mille fois.
car (s’il est bien vrai que) ce sont des ruines
qui nous entourent,
le temps n’a pas encore suffisamment passé.



Circe o las ruinas


Este cuerpo en el que habito
o soy,
me tiene generalmente sin cuidado.
Por eso, ahí está, si lo quieres.
Yo diré: ¿quién es aquella
tendida allí, con los ojos
clavados en el techo?
¿Quién la de los dedos como puñales
en la nuca del animal?
Soy vieja pero recuerdo
cómo derramar la sangre
y estoy en mis uñas viva como otros
se instalan en su cabeza.
Con ellas, mis preciosas,
todavía puedo degollar un cerdo
o partirte el corazón mil veces.
Porque (si bien es cierto) son
ruinas estas que nos rodean,
aún no ha pasado el tiempo suficiente.