.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


samedi 8 avril 2017

Vientre de luz/Ventre de lumière - Catalina González Restrepo (1976)





Déviation


Je rêve de guerres, d’explosions, de mendiants
de longues marches, mes chaussures rouges bousillées,
d’être perdues d’un lieu à un autre,
parmi des inconnus.

Je rêve que je tarde à rentrer, que je fais des détours
et parcours des couloirs avec de vieux amis,
que tu rêves de prostituées
et pour oublier je t’embrasse.

Notre maison est envahie par des cigales,
les pierres s’éboulent,
les abeilles y viennent mourir
et moi je vis comme si j’étais ailleurs.

Nous ne finirons jamais de nous habiter
mais on continue d’accumuler,
de laver au-dehors sans ranger dedans,
sans pouvoir choisir entre la passion et la ruine.

Quand ai-je perdu mes clés,
quand ta mère a-t-elle cessé de prier pour moi,
quand ai-je haï ton écriture après tant d’années
et m’a dégoûté ta douceur.

Quand avons-nous remis nos vies
dans des papiers et des signatures.


Desvío


Sueño con guerras, explosiones, mendigos,
con largas caminatas, mis zapatos rojos gastados,
con estar perdida de un lugar a otro,
entre desconocidos.

Sueño que me demoro en llegar, que doy rodeos
y recorro pasillos con viejos amigos,
que sueñas con prostitutas
y te beso para olvidar.

Nuestra casa es invadida por cigarras,
las piedras se desmoronan,
las abejas vienen a morir aquí
y yo vivo como si estuviera en otra parte.

Nunca terminaremos de habitarnos
pero seguimos atesorando,
limpiando afuera sin ordenar adentro,
sin poder elegir entre la pasión y la ruina.

Cuándo perdí mis llaves,
cuándo tu madre dejó de rezar por mí,
cuándo odié tu letra después de tantos años
y me indigestó tu dulzura.

Cuándo pusimos nuestras vidas
en unos cuantos papeles y firmas.