.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


vendredi 19 février 2016

Juan Luis Martínez (1942-1993, Chili)

                                                                                                                      


L’OREILLE

à L. v. B.
(Study for a conversation piece).


1. L’oreille est un organe à l’envers ; elle n’écoute que le silence.

2. Si l’oreille n’était pas un organe à l’envers, c'est-à-dire un organe fait pour écouter
    le silence, nous n’entendrions que le bruit assourdissant que produisent galaxies,
    nébuleuses, planètes et autres corps célestes dans leurs déplacements à travers
    les gigantesques espaces interstellaires.

3. Les sons, bruits, paroles, etc. que capte notre oreille, sont réellement
    des bulles de silence qui voyagent depuis la source émettrice qui les produit
    jusqu’à l’organe récepteur de silence qu’est l’oreille.



EL OIDO

a L. v. B.
(Study for a conversation piece).


1. El oído es un órgano al revés; sólo escucha el silencio.

2. Si el oído no fuera un órgano al revés, es decir, un órgano hecho para escuchar
    el silencio, sólo oiríamos el ruido ensordecedor que producen las galaxias,
    nebulosas, planetas y demás cuerpos celestes en sus desplazamientos a
    través de los enormes espacios interestelares.

3. Los sonidos, ruidos, palabras, etc., que capta nuestro oído, son realmente
    burbujas de silencio que viajan desde la fuente emisora que las produce hasta
    el órgano receptor de silencio que es el oído.





LA MAISON DU SOUFFLE, *
PRESQUE LA PETITE MAISON DE ( L’AUTOR )

à Isabel Holger Dabadie
à Luis Martínez Villablanca

(Interroger les fenêtres
sur l’absolue transparence
des vitres qui manquent)


a.  La maison que nous construirons demain
     est déjà dans le passé et n’existe pas.

b.  Dans cette maison que nous ne connaissons pas encore
     reste ouverte la fenêtre que nous avons oublié de fermer.

c.  Dans cette même maison, derrière cette même fenêtre
     battent encore les rideaux que nous avons décrochés.

* « Peut-être une petite maison dans les faubourgs
     où le passé est encore à venir
     et le futur passé depuis longtemps ».
                                          (De T. S. Eliot, presque)



LA CASA DEL ALIENTO, *
CASI LA PEQUEÑA CASA DEL ( AUTOR )

a Isabel Holger Dabadie
a Luis Martínez Villablanca

(Interrogar a las ventanas
sobre la absoluta transparencia
de los vidrios que faltan)


a.  La casa que construiremos mañana
     ya está en el pasado y no existe.

b. 
En esa casa que aún no conocemos
     sigue abierta la ventana que olvidamos cerrar.

c. 
En esa misma casa, detrás de esa misma ventana
     se baten todavía las cortinas que ya descolgamos.


* "Quizás una casita en las afueras
    donde el pasado tiene aún que acontecer
    y el futuro hace tiempo que pasó".
                                          (De T. S. Eliot, casi).






LA FOLIE DE (L’AUTEUR)

( Allez, raconte-moi ta vie ! )


A.  L’OREILLE DE L’AUTEUR :

      Qu’écoute-t-il  quand il écoute
      les tragiques                  trots             silencieux
      d’un cheval                de bois            désarmé ?

B.  LE JARDIN DE SA FOLIE :

      Dans le Jardin Bleu de sa Folie
      grandit      le petit        aster
                                                                    de la raison.

C.  L’ABSENCE DE SON ŒUVRE :

      
Le silence écoute le silence
     et répète    en    silence
                                               ce qu’il écoute qui n’écoute pas.



LA LOCURA DEL ( AUTOR )

( ¡Vamos, cuéntame tu vida! )

A.  EL OIDO DEL AUTOR:

    
¿Qué escucha cuando escucha
     los trágicos                 trotes                silenciosos
     de un caballito         de madera         desarmado?

B.  EL JARDIN DE SU LOCURA:

      En el Jardín Azul de su Locura
      crece     el pequeño      aster
                                                            de la razón.

C.  LA AUSENCIA DE SU OBRA:

      El silencio escucha silencio
      y repite    en     silencio
                                                lo que escucha que no escucha.
                                                                                                                      



LA GRAPHOLOGIE


à R. Barthes
à F. Le Lionnais

« Le nom qui peut être nommé
n’est pas le nom vrai »
Tao Te King



                                      *



En syllabes entrecoupées il a voulu répéter un nom : (Jxuan de Dios), Ah ! celui-là si aurait été un nom vrai ! mais comme une scie entravée dans le clou caché (que le menuisier maudit), il n’a pu que prononcer, très difficilement, en bégayant – étranglé par la sciure de ses mots – les syllabes grinçantes de son nom : (Mar - mar -ttí -nnez).



* (Dans de nombreux poèmes modernes et dans plusieurs tableaux de Picasso apparait aussi, sans aucune nécessité objective, une scie ou au moins les dents d’une scie égoïne, placées obliquement sur des surfaces géométriques. Il ne faut penser à aucune influence possible : l’apparition de ce symbole de la scie ou de l'égoïne est de catégorie négative et peut uniquement s’expliquer comme un des signes qui traduit plutôt la pression exercée par la structure sur la poésie et l’art modernes à partir de la seconde moitié du siècle passé).



LA GRAFOLOGÍA


a R. Barthes
a F. Le Lionnais

"El nombre que puede nombrarse
no es el verdadero nombre"
Tao Teh King


                                      *


A sílabas entrecortadas quiso repetir un nombre: (Jxuan de Dios ), ¡Ah, ese si que hubiera sido un verdadero nombre!, mas como un serrucho trabado en el clavo oculto (que maldice el carpintero), sólo pudo pronunciar, a duras penas, tartamudeando -atragantado por el aserrín de sus palabras- las chirriantes sílabas de su apellido: (Mar - mar -ttí -nnez).



* (En numerosos poemas modernos y en varios cuadros de Picasso aparece también, sin que exista ninguna necesidad objetiva de ello, una sierra o por lo menos los dientes de un serrucho, colocados oblicuamente sobre superficies geométricas. No es necesario pensar en ninguna posible influencia: la aparición de ese símbolo de la sierra o del serrucho es de categoría negativa y sólo puede explicarse como uno de los signos que mejor traduce la coacción ejercida por la estructura sobre la poesía y el arte modernos a partir de la segunda mitad del siglo pasado).