.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


mardi 20 janvier 2015

Gema Santamaría (1979 - Nicaragua)






gilet de sauvetage sous votre siège

moi il n’y a rien qui me sauve de ces pleurs et de ce vertige. de cette volonté de me manger les heures pour t’extirper cette rage cousue de fils noirs. tu vois, ma mauvaise habitude d’ouvrir des cœurs avec la langue embrouillée, avec les mains affamées. ma hâte de ne pas parler, juste de sentir, de penser qu’un silence coupant les lèvres suffit pour être limpides. un avertissement déjà bien annoncé : ce diable dans ta poitrine n’est pas bon pour les touristes. ce n’est pas un lieu qui s’abandonne, qui se boit au coin de la rue, qui s’oublie sur la plage, dans une chambre d’hôtel ou dans des draps propres. parce qu’on court le risque de s’ancrer, de partir sans yeux et dêtre un de ceux qui disent aimer cloîtrés à la maison. moi il n’y a rien qui me sauve. je connais très bien cette histoire de naufrages. je n’ai besoin ni d’instructions ni de gilet de sauvetage.


chaleco salvavidas debajo de su asiento

a mí no hay nada que me salve de este llanto y este vértigo. de esta voluntad de comerme las horas para sacarte esa rabia cocida con hilos negros. ya ves, mi mala costumbre de abrir corazones con la lengua enredada, con las manos hambrientas. mi afán de no hablar, de sólo intuir, de pensar que basta un silencio cortando los labios para ser transparentes. una advertencia bastante anunciada: ese diablo en tu pecho no es apto para turistas. no es un lugar que se deja, que se bebe en la esquina, que se olvide en la playa, en el cuarto de hotel o en las sábanas limpias. porque uno corre el riesgo de anclarse, de marcharse sin ojos y ser uno más de los que dicen amar encerrados en casas. a mí no hay nada que me salve. me sé muy bien esta historia de náufragos. no necesito instrucciones ni salvavidas.





Maison. Vivre dans la parenthèse. Vivre dans le pendant ce temps-là.
Sur la corde tendue et horizontale.
Entre deux points
:
Ne pas être l’équilibriste. Être la corde, la corde même.
Au point le plus central et instable.

Maison. Comment on habite ça?
Qui vit dedans?
Qu’on me montre.
Ça fait mal. Où ça fait mal?

Ici. Dans le manque de portes et de fenêtres.
Dans le patio où habite un renard mais aucune plante.
Dans la pièce pleine de miettes et de taches.

Où ça fait mal?
Ici ça fait mal.
À ce croisement.
Dans ce coin bleu sous les lumières blanches.

Un thème cherche un thème, comme dirait Chantal Maillard,
et au thème il manque une maison :
il ne sait pas par où commencer à pleurer.



Casa. Vivir en el paréntesis. Vivir en el mientras tanto.
En la cuerda extendida y horizontal.
Entre dos puntos
:
No ser la equilibrista. Ser la cuerda, la cuerda misma.
En su punto más céntrico e inestable.

Casa. ¿Cómo se habita eso?
¿Quién vive en una?
Que me muestren.
Aquí duele. ¿Dónde duele?

Aquí. En la falta de puertas y ventanas.
En el patio donde habita un zorro pero no viven las plantas.
En la sala repleta de migajas y de manchas.

¿Dónde duele?
Aquí duele.
En esta encrucijada.
En esta esquina azul debajo de las luces blancas.

Un tema busca un tema, como diría Chantal Maillard,
y al tema le falta una casa:
no sabe por dónde empezar a llorar.