.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


lundi 17 novembre 2014

Lauren Mendinueta (1977 - Colombie)







À la double que je suis


Il y a des photos sur lesquelles je ne me reconnais pas.
Mon moi lâche en les regardant
m’oblige à penser que j’existe sur une seule
et non dans la somme de qui je suis
avec cette autre qui me supplante sur l’image.
Il est difficile de croire que l’inconnue c’est aussi moi
cette femme suspendue et laide
avec un visage qui sans être le mien n’est pas étranger.
Comprendre le monde pourrait bien être ça :
accepter que je suis celle que je ne connais pas.


A la doble que soy


Hay fotografías en las que no me reconozco.
Mi yo cobarde al mirarlas
me obliga a pensar que existo en una sola
y no en la suma de quien soy
con esa otra que me suplanta en la imagen.
Cuesta creer que la desconocida también soy yo
esa mujer suspendida y fea
con un rostro que sin ser mío no es ajeno.
Entender el mundo bien puede ser eso:
aceptar que soy esa a quien desconozco.




Ainsi passent les années


Les années passent,
et bien que la vie m’accuse d’immobilité,
moi aussi j’ai voyagé.
Comme une particule de poussière
j’ai voleté à travers la maison et me suis accrochée aux livres.
Comme un insecte je me suis reposée au bord des canaux,
ou simplement j’ai été une femme qui de soir en soir
a regardé vers la mer
cherchant des bateaux oubliés par la brume
et qui reviennent à la mémoire
sans autre espoir que la mort.


Así pasan los años


Pasan los años,
y aunque la vida me acusa de inmovilidad,
también yo he viajado.
Como una partícula de polvo
he revoloteado por la casa y me he prendido a los libros.
Como un insecto he reposado a la orilla de las acequias,
o simplemente he sido una mujer que de tarde en tarde
ha mirado hacia el mar
buscando barcos olvidados por la neblina
y que vuelven a la memoria,
sin esperanza distinta de la muerte.




Le foyer, mes larmes


Dans l’épilogue de mon histoire
je souhaite revenir au foyer,
à ce lieu peuplé de mondes
où les voyages se font vers l’intérieur.
J’écoute le son des ombres
qui me frappent sans âme
m’offrant consolation dans ce qui a déjà disparu.
Injuste est mon désir de vivre
mais de le savoir ne me sert à rien ;
je persiste et je suis seule
comme une image échappée du souvenir.


El hogar, mis lágrimas


En el epílogo de mi historia
deseo volver al hogar,
a ese lugar poblado de mundos
donde los viajes son hacia adentro.
Oigo el sonido de las sombras
que sin alma me golpean
ofreciéndome consuelo en lo que ya se ha ido.
Injusto es mi deseo de vivir
pero de nada me sirve saberlo;
persisto y estoy sola
como una imagen huida del recuerdo.