.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


samedi 11 octobre 2014

Martha Kornblith (1959-1997, Venezuela)





Tu me demandes de te parler de ma vie.
Moi je te propose un poème sur la folie.
Tu me proposes une phrase pour développer un poème.
Le poème est un instant présent, ce qui m’occupe.
Tu me dis de me mettre à la place
de celle que j’aurais aimée être.
Je te dis une actrice de cinéma
célèbre pour vivre et être aimée par des milliers de gens
ce qui est comme voler au-dessus d’une plage
et savoir qu’ils me regardent et m’appellent.
C’est ça mourir.
Ou se suicider.
Errer comme un fantôme absent
dans la conscience de milliers sans corps ni visage.
Pour le voir occuper la scène au milieu d’une foule stupéfaite
et m’appeler.
J’ai l’habitude de voler comme un oiseau blessé
sur une plage interminable
et laisser des traces de sang
devant la sonnerie absente
de ton téléphone,
t’appeler c’est me confronter avec la réalité inexorable
d’un naufrage.



Me dices que te hable sobre mi vida.
Yo te propongo un poema sobre la locura.
Me propones una frase para desarrollar un poema.
Poema es momento presente, lo que me ocupa.
Me dices que me ponga en el lugar
de la que me hubiera gustado ser.
Yo te digo que una actriz de cine
famosa para vivir y ser amada por miles
que es como volar por encima de una playa
y saber que aquella gente me mira y me llama.
Eso es morir.
O suicidarse.
Vagar como un fantasma ausente
en la conciencia de miles sin cuerpo ni cara.
Para verlo tomar palco entre miles estupefactos
y llamarme.
Suelo volar como una paloma herida
en una playa interminable
y dejar rastros de sangre
ante el tin tin ausente
de tu teléfono,
llamarte es confrontarme con la realidad inexorable
de un fracaso.