.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


vendredi 21 décembre 2012

Lucía Estrada (1980 - Colombie)



Quand la nuit s’incline et semble prononcer ton nom, tu plonges tes mains dans l’obscurité et cherches à tâtons le corps incernable de ta mémoire.

Ce pressentiment au bout des doigts, la dense respiration de tout ce qui existe, t’oblige à demeurer dans l’ombre.

Aucune image ne tremble dans le miroir. Aucune surface n’a pitié de toi.

Tout est retourné sur soi-même et rien ne parvient à te refléter. Une pause, et le temps arrêté tombe sur ton silence.

Combien de mots prêts à s’obscurcir sous ta langue. Combien de désir dans les yeux qui s’ouvrent pour la dernière fois.

Éloigne-toi un peu et comprends que rien ne peut être le début ni le centre dans cette chambre fermée. Que tout sera dit d’un seul coup au milieu de l’ombre et très lentement.



Cuando la noche se inclina y parece que pronuncia tu nombre, hundes tus manos en la oscuridad y buscas a tientas el cuerpo inabarcable de tu memoria.

Ese pálpito en la punta de los dedos, la densa respiración de todo cuanto existe, te obliga a permanecer en la sombra.

Ninguna imagen tiembla en el espejo. Ninguna superficie se apiada de ti.

Todo está vuelto sobre sí mismo y nada consigue reflejarte. Una pausa, y el tiempo detenido cae sobre tu silencio.

Cuántas palabras a punto de oscurecerse bajo tu lengua. Cuánto deseo en los ojos que se abren por última vez.

Apártate un poco y comprende que nada podría ser el inicio ni el centro en este cuarto cerrado. Que todo será dicho de golpe en medio de la sombra y muy lentamente.




Circé


C’est l’ombre
                        ce que je retiens
la beauté de s’éloigner
                                     chaque fois plus
l’infortune d’avoir vu
  trop de mers
trop d’îles
comme à travers
                             un miroir brisé
la mort que tu représentes
le nombre d’animaux morts
                               que tu représentes
poussières noires que tes pieds
ont rapporté
jusque dans ma maison.



Circe


Es la sombra
                        lo que retengo
la belleza de alejarse
                                    cada vez más
el infortunio de haber visto
                                   muchas islas
muchos mares
como a través
                                  de un espejo roto
la muerte que representas
el número de animales muertos
                              que representas
negro polvo que tus pies
han traído
hasta mi casa.