.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


jeudi 20 décembre 2012

Emilio Adolfo Westphalen (1911-2001, Pérou)






LE LAIT VINAIGRE

Le lait vinaigre se répand doucement aux bords des yeux
Déborde sans hâte du nez et des orifices auriculaires
Le corps entier tremble de fruits mielleux
Et reluit de diamants qui traversent la broussaille
Et de petites dents d’améthyste grinçant une chanson
Des forêts de mains écorchées ou de la bruine coupée en fagot
Le crépuscule recompte les yeux avant de les semer
Les aiguilles de gramophone se dressent sur la ligne perpendiculaire
Le brouillard de gélatine congelée s’empare de l’espace
La ville entière n’est formée que de colonnes en marbre de différentes couleurs
Lentement elle poursuit son chemin
La mer parfois se cache dans la
plus grosse
Le vent aussi parfois pleure l’indescriptible faune polaire
Qui tente vainement d’escalader les bords lisses des colonnes
Qui tournent avec le mouvement du cœur et qui en plus avancent
Au pas doux et coupé du chameau
Un ours pend à un chapiteau et se convulse prisonnier de l’étrange piège
Un oiseau plante plusieurs fois le bec dans le marbre jusqu’à en tirer du sang
En masse les rennes courent dans la plaine gelée disparaissent et reviennent
Un champignon et un bout d’oreille ou même l’oreille complète
Restent uniquement pour servir de point de référence

 

LA LECHE VINAGRE

La leche vinagre se extiende mansamente en los bordes de los ojos
Se desborda sin prisa de la nariz y los orificios auriculares
El cuerpo entero tiembla de frutas almibaradas
Y reluce de diamantes atravesando la maleza
Y de dientes pequeñitos de amatista rechinando alguna canción
De los bosques de manos desolladas o de la garúa cortada en gavillas
Recuenta el crepúsculo los ojos antes de sembrarlos
Las púas de gramófono se elevan en la línea justa de la perpendicular
La niebla de gelatina congelada se apodera del espacio
La ciudad entera está formada únicamente de columnas de mármol de diferentes colores
Lentamente sigue su camino
El mar a veces se oculta en la más gruesa
El viento también a veces llora la indescriptible fauna polar
Que intenta vanamente escalar los bordes lisos de las columnas
Que giran con el movimiento del corazón y que además adelantan
Al paso cortado y suave del camello
Un oso pende de un capitel y se convulsiona prisionero en la extraña trampa
Un ave hunde varias veces el pico en el mármol hasta sacarle sangre
En tropel los renos corren por la llanura helada desaparecen y vuelven
Un hongo y un pedazo de oreja o simplemente la oreja completa
Sólo quedan para servir de puntos de referencia