.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


jeudi 11 octobre 2012

Miriam Reyes (1974 - Espagne)



Je ne suis propriétaire de rien
et encore moins de quelqu’un.
Tu ne devrais pas avoir peur
quand j’étrangle ton sexe,
je ne pense pas te donner d’enfants
ni bagues ni promesses.

Toute la terre que j’ai tient sous mes chaussures.
Ma maison est ce corps qui semble une femme,
je n’ai pas besoin d’autres murs et à l’intérieur
j’ai beaucoup d’espace :
ce désert noir qui te fait tellement peur.


No soy dueña de nada
mucho menos podría serlo de alguien.
No deberías temer
cuando estrangulo tu sexo,
no pienso darte hijos ni anillos ni promesas.

Toda la tierra que tengo la llevo en los zapatos.
Mi casa es este cuerpo que parece una mujer,
no necesito más paredes y adentro tengo
mucho espacio:
ese desierto negro que tanto te asusta.








Mon corps nu est ici
et nulle part ailleurs.
Viens et tu verras ce qu’il y a
derrière l’émail des dents.
Viens et tu verras.

Mon visage n’est pas mon visage.
La petite demoiselle sans nom
la poupée avec des larmes.

S’il te plaît s’il te plaît s’il te plaît
ramène-moi à la maison.
S’il te plaît s’il te plaît
joue avec moi.

L’automate me protège
avec son corps de jolie petite fille en caoutchouc homologué.
Qu’elle est douce, douce et parfaite
dans son ventre vide on entend la mer.

Les gens l’adorent.
Ils adorent la coquille dans laquelle survit le crabe.
Les gens préfèrent les coquilles, ils les ramènent à la maison
les approchent de leur oreille
les écoutent.




Mi cuerpo desnudo está aquí
y no en otra parte.
Pasa y verás lo que hay
tras el esmalte de dientes.
Pasa y verás.

Mi cara no es mi cara.
La pequeña señorita sin nombre

la muñeca con lágrima.

Por favor por favor por favor
llévame a casa.
Por favor por favor
juega conmigo.

La autómata me protege
con su cuerpo de niña bonita de goma homologada.
Qué dulce, qué dulce y perfecto
en su vientre vacío suena el mar.

A la gente le encanta.
Le encanta la concha bajo la que el cangrejo ermitaño sobrevive.
La gente prefiere las conchas, las lleva a su casa
se las acerca al oído
las escucha.








Que tu es maigre
me dit-il
et j’ai pensé alors à la femme sur la photo
à ses gros seins
et aux miens tout petits
de la taille du bol que fait un homme avec sa main
de la taille du bol qu’il faisait avec sa main
quand il m’a dit : que tu es maigre.

(Quand un homme tremble en te touchant
tu ne l’oublies pas.
Jamais, même si tu n’arrives pas à l’aimer.)

Leur lit était vide
parce qu’elle n’était plus là et lui
campait avec moi à la belle étoile du salon.
Qui donnait refuge à l’autre
ce n’était pas clair.

Allongés sur le matelas
à regarder la nuit sur le plafond obscur
les bras entrecroisés sous les draps
on se palpait cherchant
où faire l’entaille la plus propre.


Qué delgada eres
-me dijo-
y entonces yo pensé en la mujer de la foto
en sus senos grandes
y en los míos pequeños
del tamaño del cuenco que hace un hombre con su mano
del tamaño del cuenco que él hacía con su mano
cuando me dijo: qué delgada eres.

(Cuando un hombre tiembla al tocarte
no te olvidas de él.
Nunca, aunque no llegues a amarle).

Su cama estaba vacía
porque ella ya no estaba y él
acampaba conmigo a la intemperie de la sala.
Quién le daba refugio a quién
no estaba claro.

Boca arriba en el colchón
mirando la noche en el techo oscuro de la sala
con los brazos entrecruzados bajo la sábana
nos palpábamos buscando
dónde hacer el corte más limpio.








S’il me le demande je me mets à quatre pattes
sur deux pattes, sur une seule
je remue la queue
je tourne
je fais la morte
je saute pour un biscuit
je lui lèche les pieds.

C’est que je crève de joie quand on me frotte le ventre.

Je suis la chienne la plus chienne
que personne n’ait jamais abandonnée.


Si me lo pide me pongo en cuatro patas
en dos, en una
meneo la cola
doy vueltas
me hago la muerta
salto por una galleta
le lamo los pies.

Y es que me muero de gusto cuando me rasca panza arriba.

Soy la perra más perra
que jamás nadie haya abandonado.