.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


jeudi 27 septembre 2012

Rosario Castellanos (1925-1974, Mexique)



Tu es mort tant de fois ; on s’est dit adieu
sur tous les embarcadères,
sur tous les quais de déchirures,
mon amour, et tu reviens
avec un autre visage de fleur fraîchement ouverte
sans que je puisse te reconnaître avant de palper
en moi la vieille cicatrice
où j’épelle durement ton nom.


Has muerto tantas veces; nos hemos despedido
en cada muelle,
en cada andén de los desgarramientos,
amor mío, y regresas
con otra faz de flor recién abierta
que no te reconozco hasta que palpo
dentro de mí la antigua cicatriz
en la que deletreo arduamente tu nombre.



Nymphomanie

Je t’ai eu entre mes mains:
l’humanité entière dans une noix.

Une coque si dure et si rugueuse !

Et à l’intérieur le simulacre
des deux hémisphères cérébraux
qui, évidemment, n’aspirent pas à opérer
mais à être dévorés, loués
pour cette saveur neutre, si insatisfaisante
qu’elle exige, à l’infini,
une fois encore et encore, qu’on y goûte à nouveau.


Ninfomanía

Te tuve entre mis manos:
la humanidad entera en una nuez.

¡Qué cáscara tan dura y tan rugosa!

Y, adentro, el simulacro
de los dos hemisferios cerebrales
que, obviamente, no aspiran a operar
sino a ser devorados, alabados
por ese sabor neutro, tan insatisfactorio
que exige, al infinito,
una vez y otra y otra, que se vuelva a probar.