.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


lundi 20 août 2012

Pura López Colomé (1952 - Mexique)




PRISME

Avidité de bien-être,
je les ai vues parcourir le chemin habituel,
celui qui va de la ville à autre part,
part du monde,
part de mon humanité endolorie,
heureuse apparition pour qui m’attend,
pour qui vit en moi sans être moi-même,
dans ma soif, mes instants qui oscillent
de tribulation et de paix.
Je fus elles. Je m’en fus.

Les pèlerins montent à Chalma. Ceux qui savent que la branche sèche qu’ils portent donnera des fleurs le long du chemin. La plupart sont jeunes. Ils ont de l’eau, une natte pour dormir et en vue le quotidien de leur vie. Il y a des vieux aussi. Des enfants sur les épaules. Le sanctuaire avance en quête de son lieu.

D’un coup, avec une question
son ancienneté se réveille.
Que demandez-vous au Seigneur
que vous vénérez,
c’est-à-dire,
à son corps mortifié
par la fatigue d’aujourd’hui
et la misère d’hier ?
Pouvoir continuer à pleurer de rage ou d’impuissance,
pouvoir se rendre davantage malade ou se surpasser,
pouvoir être là, vivre l’effroyable manque de…
au centre de la corne d’abondance,
pouvoir oublier, oui,
le fantôme des sept, huit ans
qui vole avec fougue sans queue ni corde
pour le ramener à terre,
oublier l’histoire future,
les dons amoureux nuls.
Ça ?
Oh corps, maître et Seigneur,
montre-moi un arbre créé à ton image,
synagogues, basiliques, mosquées
étant toutes couvertes de toi.

Le campement s’est installé. Il fait nuit. Des groupes d’hommes par ici, mixte par là, de femmes avec des bébés et des enfants plus loin. Autour des feux, debout, accroupis. Ils ne partagent ni la nourriture ni le café, chacun apporte ses provisions, mais la raison de… et la célèbrent assis sur le sol vil, laissant les pierres s’enfoncer dans leurs cuisses, donnant le sein à leur enfant devant n’importe qui. La chaleur vient de la proximité des bras, des dos, des cous, des poitrines ; non du feu : du sang. Certains tombent de sommeil, d’autres dodelinent de la tête, certains veillent. Nul besoin d’un toit.

Tous nous sommes destinés
à la cadence respiratoire
avec laquelle chantent les étoiles.
C’est cette communion des astres,
j’ai prié avec terreur ou envie,
une certaine rotation,
une certaine translation,
le plaisir de l’indispensable.
Rien de plus.

Le jour suivant, pleine d’admiration et d’extase, je suis retournée sur ces lieux, désirant aspirer les dernières odeurs de ce qui s’était rêvé et partagé ici. Comme qui revient toucher la pierre votive, les pieds ou les mains de l’image usée d’un saint miraculeux :


Je n’ai rien trouvé sinon des ordures.

La grande bouche du Seigneur,
sa mauvaise haleine.



PRISMA


Ansias de bienestar,
las vi recorrer el camino de costumbre,
el que va de la ciudad a alguna parte,
parte del mundo,
parte de mi adolorida humanidad,
grata aparición para quien me aguarda,
quien vive dentro de mí sin ser yo misma,
en mi sed, mis oscilantes momentos
de tribulación y paz.
Fui ellas. Me fui.

Suben a Chalma los peregrinos. Los que saben que la rama seca que van cargando echará flores a lo largo del trayecto. Son jóvenes en su mayoría. Llevan agua, un petate en que dormir y la cotidianidad de sus vidas a la vista. Hay viejos también. Niños sobre los hombros. El santuario avanza en busca de su sitio.

De golpe, con una pregunta
despertó su antigüedad.
¿Que le piden al Señor
a quien veneran,
es decir,
a su cuerpo mortificado
por la fatiga de hoy
y la miseria de ayer?
Poder seguir Ilorando de rabia o de impotencia,
poder enfermarse más o excederse,
poder presenciar, vivir la aterradora falta de…
al centro del cuerno de la abundancia,
poder olvidar, sí,
al fantasma de los siete, ocho años
que arrebatado vuela sin cola o cuerda
que lo regrese a tierra,
olvidar la futura historia,
las nulas entregas amorosas.
¿Eso?
Oh, cuerpo, amo y Señor,
muéstrame un árbol creado a imagen tuya,
sinagogas, basílicas, mezquitas
cubiertas todas de ti siendo.

Se ha establecido el campamento. Es de noche. Grupos de hombres por aquí, mixtos por allá, de mujeres con bebés y niños más lejos. En torno a las fogatas, de pie, en cuclillas. Comparten no el alimento ni el café, cada quien trae su itacate, sino la razón de… y la celebran sentándose en el suelo vil, dejando que las piedras se les entierren en los muslos, dando de mamar al niño delante de quien sea. El calor proviene de la cercanía de brazos, espaldas, cuellos, senos; no del fuego: de la sangre. Hay quien cae dormido, quien cabecea, quien vela. Ninguna necesidad de techo.

Todos estamos destinados
al compás respiratorio
con que cantan las estrellas.
Comunión de astros es ésa,
recé con terror o envidia,
una cierta rotación,
una cierta traslación,
el gozo de lo indispensable.
Nada más.

Al día siguiente, llena de admiración y arrobo, regresé a esos lugares, deseando aspirar los últimos olores de lo que ahí se había soñado y compartido. Como quien vuelve a tocar la piedra votiva, los pies o las manos de la imagen gastada de algún santo milagroso:

No hallé sino basura.
La gran boca del Señor,
su mal aliento.




De Intempérie/Intemperie  Editions L’oreille du Loup, 2009