.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


lundi 20 août 2012

Leopoldo Castilla (1947 - Argentine)




LE VOLEUR DE TOMBES

Moi, Ahmet, voleur de tombes,
j’ai dépouillé le pharaon de son char de guerre,
des feuilles ténues
                 de ses sandales d’or.

Obscur
furtif
affamé
            comme un cobra,
moi, clé du sable,
j’ai désorienté le labyrinthe
et moqué le piège du temps immobile
en respirant
                        l’air
                        qu’il respirait.

La chance a disposé
que j’achève mes jours
                                   à la poursuite des morts
et que lui, Seigneur de la Haute et Basse Egypte,
consume son immortalité
en venant, désolé, passer sa vie
                                                  peinte
sur les murs de la tombe.

Pour la dernière fois
mon corps
fera un trou au désert
le sien
            l’espace l’a expulsé.

Le désert est plein de morts
mais le sable
                        est vide.


EL LADRON DE TUMBAS

Yo, Ahmet, ladrón de tumbas,
despojé al faraón de su carro de guerra,
de las tenues hojas
                  de sus sandalias de oro.

Oscuro
furtivo
hambriento
            como una cobra,
yo, llave de la arena,
desorienté al laberinto
y burlé la trampa del tiempo inmóvil
al respirar
                        el aire
                        que él respiraba.

La suerte dispuso
que acabe mis días
                             persiguiendo muertos
y que él, Señor del Alto y Bajo Egipto,
consuma su inmortalidad
viendo, desolado, pasar su vida
                                                   pintada
en la paredes de la tumba.

Por última vez
mi cuerpo
le hará un hueco al desierto
al suyo
            lo expulsó el espacio.

El desierto está lleno de muertos
pero la arena
                        está vacía.








LA TABLE DE MES DIEUX

À Pedro González

Je bois avec mes dieux,
avec Xangó, dieu du tonnerre, protecteur
de l’ivresse et de l’amant,
je l’ai vu désaimanter les bahianaises
leur donner le mal de mer
comme si à l’intérieur une bannière les accouplait,
descendu en moi à Santiago de Cuba
par la grâce d’Orula et d’un babalao
qui a la poisse
à force de croiser le sort des hommes.
Je bois avec Vishnu que je n’ai pas pu réveiller
de son lent absolu, lorsque grimpant
un énorme escalier
je l’ai vu, sans monde, étendu
comme une lune attendant le retour du ciel.
Ce fut à Bali cette vision. La terre
disparaissait
dévorée par ses délicatesses.
Je fais offrande et bois avec la Pachamama, je lui appartiens
petit arbre que je suis et jamais n’y parviens
rivière je m’appelle et jamais ne reviens,
et avec le Seigneur du Miracle,
qui brillait comme un fruit
dans la terreur
               dans le deuil
et le mirage d’âme de mes ancêtres.
À table, décomptant, comme ils en ont l’habitude,
se trouve le duende, avec sa main de laine
et sa main de fer
cicatrisant ses yeux sous le figuier.
Et le diable, pauvre type, apparu
dans une autre dimension, joueur obsédé,
qui seulement comme musique peut entrer dans ce monde.
Debout, dans mon dos, se tient mon mort. Je ne le connais pas.
Ils m’ont dit « il est grand et a les cheveux blancs. Prends soin de lui. »
Un étrange condamné à mon sort,
une pleine lune de mon corps. C’est que d’autres formes
persistent pour soutenir ta forme
et toutes les naissances sont vides.

Et je suis là, athée, sans église,
miraculeux.
Et dans un autre coin, moi encore, à sept ans,
me regardant regarder
les sentiments de ma mère
et mon père brûlant,
                        émerveillé,
                                    blessé
parmi des chanteurs défunts.

Quelques nouveaux-nés,
d’autres, dans la mort,
                            malendormis,
nous nous réveillons
                            bien que le jour ne vienne jamais.

Nous sommes tous là occupant tout.

Il ne manque personne.
                             Et pourtant, la table reste vide.


LA MESA DE MIS DIOSES

A Pedro González

Bebo con mis dioses,
con Xangó, dios del trueno, protector
del ebrio y del amante,
a quien he visto desimantar a las bahianas
marearlas
como si dentro les copulara una bandera,
que descendió en mí en Santiago de Cuba
por obra y gracia de Orula y de un babalao
cenizo
de cruzar la suerte de los hombres.
Bebo con Vishnú a quien no pude despertar
de su lento absoluto, cuando ascendiendo
una escalera enorme
lo vi yacer, sin mundo,
como una luna esperando el regreso del cielo.
Fue en Bali esa visión. La tierra
desaparecía
devorada por sus delicadezas.
Ofrendo y bebo con la Pachamama, porque le pertenezco
arbolito que yo soy y nunca alcanzo
río que me llamo y nunca vuelvo,
y con el Señor del Milagro,
que brillaba como un fruto
en el terror
            en el luto
y el espejismo del alma de mis abuelos.
En la mesa, desnumerando, como suelen,
está el duende, con su mano de lana
y su mano de hierro
cicatrizando sus ojos debajo de la higuera.
Y el diablo, pobre hombre, aparecido en otra dimensión,
tahur,
que sólo como música puede entrar a este mundo.
De pie, a mis espaldas, está mi muerto. Lo desconozco.
Me dijeron “es alto y tiene el pelo blanco. Lo cuida.”
Un extraño condenado a mi suerte,
un plenilunio de mi cuerpo. Y es que otras formas duran
para sostener tu forma
y están vacíos todos los nacimientos.

Y estoy yo, ateo, sin iglesias,
milagroso.
Y en otro rincón, también yo, con siete años,
mirándome mirar
los sentires de mi madre
y a mi padre ardiendo,
                        maravillado,
                                   herido
entre cantores difuntos.

Unos recién naciendo,
otros, en la muerte,
                        maldormidos,
nos amanecemos
                        aunque nunca llegue el día.

Estamos todos ocupando todo.

No falta nadie.
                Y, sin embargo, la mesa está vacía.


De Le voleur de tombes/ El ladrón de tumbas  Editions L’Oreille du Loup, 2009