.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


mardi 21 août 2012

Alberto Blanco (1951 - Mexique)





DANS LES AILES DE L’AIGLE

Aujourd’hui je ne ferai rien
absolument rien

Je ne penserai pas en silence
à moi ni aux autres

Je ne vais pas me souvenir
des amours du passé

Je ne vais pas m’inquiéter
pour les jours à venir

Aujourd’hui je vais effacer les traces
dans les ailes de l’aigle

EN LAS ALAS DEL ÁGUILA

Este día no haré nada
absolutamente nada

No pensaré en silencio
ni en mí ni en los demás

No voy a recordar aquí
los amores de otros tiempos

No voy a preocuparme
por los días que vendrán

Este día voy a borrar las huellas
en las alas del águila



UNE LUMIÈRE DANS LA CHAUSSURE

Pourquoi tu regardes ta chaussure comme ça ?
Est-ce qu’elle pense à t’amener quelque part ?

Il y a une lumière dans le chemin
qui vient de la marche

Ni sa propre mère
ne reconnaîtrait son éclat

Les chemins convergent
dans l’œil de la flamme

Chaque pas contient le monde
dans sa complète vacuité

Reste vide
comme une chaussure

Sans souvenirs et sans projets
d’un prochain retour à la maison

Tu ne reverras jamais
une chaussure pareille

Elle est sa propre nuit
et sa propre lumière


UNA LUZ EN EL ZAPATO

¿Por qué miras a tu zapato?
¿Piensa llevarte a alguna parte?

Hay una luz en el camino
que viene del caminar

Ni su propia madre
reconocería su brillo

Los caminos convergen
en el ojo de la llama

Cada paso abarca el mundo
en su completa vacuidad

Quédate vacío
como un zapato

Sin recuerdos y sin planes
de un próximo regreso a casa

Nunca volverás a ver
un zapato semejante

Es su propia noche
y su propia luz



ÉMOTIONS EN MOUVEMENT

Je me lève et me mets à la fenêtre :
il pleut avec du tonnerre au loin.
Les frênes suivent les stries
de l’eau sur les vitres et dans mes yeux .

Calme. Seul. Presque rien ?
Mes émotions ressemblent – chaque fois plus –
à la nature des grands arbres :
ils remuent… mais très peu.

EMOCIONES EN MOVIMIENTO

Me levanto y me asomo a la ventana:
está lloviendo y hay truenos a lo lejos.
Los fresnos siguen las estrías
del agua en los cristales y en mis ojos.

Quieto. Solo. Casi nada.
Mis emociones se parecen – cada vez más –
a la naturaleza de los grandes árboles:
se mueven… pero muy poco.



RADIOGRAPHIE

Aller le vendredi soir au ciné
voir un fil
m d’aventure
c’est confirmer qu’il n’y a ni action
ni mystère dans nos vies.

Aller au Musée d’Art Moderne
le samedi matin
c’est reconnaître que nous vivons
sans créativité ni beauté.

Aller le samedi soir
à une fête chercher la chaleur
c’est admettre que nous sommes seuls.

Aller à l’église le dimanche
c’est confesser que brille
par son absence le Créateur.


RADIOGRAFÍA

Ir el viernes por la noche al cine
a ver una película de aventuras
es confirmar que no hay acción
ni misterio en nuestras vidas.

Ir al Museo de Arte Moderno
el sábado por la mañana
es reconocer que vivimos
sin creatividad ni belleza.

Ir el sábado por la noche
a una fiesta a buscar calor
es admitir que estamos solos.

Asistir a la iglesia el domingo
es confesar que brilla
por su ausencia el Creador.



CIMETIÈRE DE VARENNA

Des noms
de vieux noms
des noms enterrés :

Tu lèves une pierre
et il y a un nom
qui meurt de froid…

Tu regardes une fleur
œil de pierre
et une fleur te regarde,
elle te dit :

« Ne pense pas à moi,
pense à ta mort… »


CAMPOSANTO DE VARENNA

Nombres
viejos nombres
nombres enterrados:

Levantas una piedra
y hay un nombre
muriéndose de frío…

Miras una flor
ojo de piedra
y una flor te mira,
te dice:

“No pienses en mí,
piensa en tu muerte…”



QUASI HOQUETUS

à Sofia Gubaidulina

Une flamme très ancienne
allume méticuleusement
la pauvre pièce presque vide

Tu regardes partout
cherchant l’éclat
de quelques mots

Mais tu ne trouves que
la rumeur d’une musique
qui ressemble au silence


QUASI HOQUETUS

a Sofia Gubaidulina

Una llama muy antigua
alumbra meticulosamente
la pobre habitación casi vacía

Miras en todas direcciones
buscando el resplandor
de algunas palabras

Pero sólo encuentras
el rumor de una música
que se parece al silencio




 
De Feu nouveau/Fuego nuevo  Editions L'Oreille du Loup, 2009