LE MAL DU SIÈCLE
Le patient :
Docteur, un écœurement de la vie
Qui au fond de moi s’enracine et grandit,
Le mal du siècle… le même mal que celui de Werther,
De Rolla, de Manfred, de Leopardi.
Une lassitude de tout, un absolu
Mépris de l’humain… un continuel
Dégoût pour la bassesse de l’existence
Digne de mon maître Schopenhauer ;
Un mal-être qui s’approfondit
Avec toutes les tortures de l’introspection.
Le médecin :
C’est une question de régime : marchez
Tôt le matin, dormez comme il faut, prenez un bain,
Buvez bien, mangez bien, prenez bien soin de vous,
Ce que vous avez, c’est seulement faim !…
LES
MALADIES DE L’ENFANCE
A une bouche perdue,
à une bouche infâme,
quand il sentit l’élan qui dans la vie
nous pousse à d’extrêmes folies,
il donna son premier baiser, affamé de tendresse
sur des lèvres sans vigueur, sans fraîcheur.
Non, ce ne fut pas comme Roméo
embrassant Juliette ;
le corps qu’il serra lorsque le désir
brûlant aiguillonnait sa chair inquiète
fut le corps vil d’un vieille courtisane,
Jeanne l’infatigable du troupeau humain.
Et l’extase divine
dont il rêvait avec délice
le laissa mélancolique et déçu
en achevant sa caresse lubrique.
De l’amour il ne sentit pas la magie intense
mais rapporta… une bonne blennorragie.
José Asunción Silva s’est suicidé à Bogotá le 23 mai 1896 à l’âge de 30 ans.
A une bouche perdue,
à une bouche infâme,
quand il sentit l’élan qui dans la vie
nous pousse à d’extrêmes folies,
il donna son premier baiser, affamé de tendresse
sur des lèvres sans vigueur, sans fraîcheur.
Non, ce ne fut pas comme Roméo
embrassant Juliette ;
le corps qu’il serra lorsque le désir
brûlant aiguillonnait sa chair inquiète
fut le corps vil d’un vieille courtisane,
Jeanne l’infatigable du troupeau humain.
Et l’extase divine
dont il rêvait avec délice
le laissa mélancolique et déçu
en achevant sa caresse lubrique.
De l’amour il ne sentit pas la magie intense
mais rapporta… une bonne blennorragie.
José Asunción Silva s’est suicidé à Bogotá le 23 mai 1896 à l’âge de 30 ans.