.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


lundi 20 août 2012

Eduardo García Aguilar (1953 - Colombie)






MANTRA DE LA MER

Couverte de sargasses une femme flotte sur du sable de feu
les yeux fermés et la chevelure en flamme
pendant qu’une brise métallique frappe des falaises
et fait vibrer des marais.
Une sirène tout en haut embrasse le berger de la flûte
et de petits crabes se cachent sans laisser de trace.
Le silence des poissons volants
vient soudain frôler la peau de la noyée
et elle est là maintenant nue son sexe ouvert et fleuri
tandis qu’un adolescent la possède rapidement.
Les vieux neptunes vulgaires et les grosses hétaïres
reposent à côté de leurs filles fraîchement déflorées.
La mer et sa houle de cobalt
les géants coquillages roses
les footballeurs bronzés au loin.
Sur la colline les auditeurs de mantras
fument de l’herbe et se rappellent dans des hamacs
la déjà lointaine cité qui déchire les nerfs.
Une déesse jaune aux longues jambes cannelle
caresse et mord un poète au crépuscule
puis agonise au milieu d’une odeur de sueurs croisées.
La nuit de papillons et de lucioles
le réflecteur qui décharge des faisceaux planétaires
les vagues qui ne dorment pas et une tranquillité de vagabonds.

MANTRA DEL MAR

Cubierta de sargazos una mujer flota sobre arenas de fuego
con sus ojos cerrados y la cabellera en llamas
mientras una brisa metálica golpea acantilados
y hace vibrar marismas.
Una sirena en lo alto se besa con el pastor de la gaita
y pequeños cangrejos se esconden sin dejar huellas.
El silencio de los peces alados
llega de súbito para rozar la piel de la ahogada
y ahora ella está allí desnuda con su sexo abierto y florecido
mientras un adolescente la posee rápidamente.
Los viejos neptunos adocenados y las gordas hetairas
reposan junto a sus hijas recién desfloradas.
El mar y su oleaje de cobalto
los gigantes caracoles rosados
los futbolistas bronceados a los lejos.
En la colina los oidores de mantras
fuman yerba y recuerdan en hamacas
la ya lejana urbe que destroza los nervios.
Una diosa amarilla de largas piernas canela
acaricia y muerde  a un poeta en crepúsculo
y luego agoniza entre un olor de sudores cruzados.
La noche de mariposas y luciérnagas
el reflector que dispara haces planetarios
las olas que no duermen y una tranquilidad de vagabundos.


 






TEMPS DE CRABES

Le temps fut une invention de crabes étrange épiphanie de loirs ailés :
dans les siècles apparaît un éternel présent d’animaux antédiluviens
comme si une épaisse couche de fougères entravait pour toujours le mécanisme.
Fuis à la fin des heures et pénètre dans la mémoire
de ceux qui une fois t’ont possédé.
Tout fut seulement l’animal qui nous unit la morsure l’égratignure
de la mort infectieuse :
Dans tes larmes dans mon désir obscur dans les draps blessés
se voyaient les ongles d’un Zeppelin récemment abattu
ou la toile d’araignée d’une horloge avec des yeux et des veines.
Fuis sans regarder derrière et n’invoque pas l’usure
ne pleure pas dans des villes étrangères dans des escaliers délabrés :
sur une étrange planète s’entassent les voix des amants
les radios pas cher qui crachaient des mélodies démodées…
Un à un les matelas furent vendus à des entrepôts
et notre inquiétude d’amants secrets fut échangée pour des clous.
Toutes les avenues pleines d’huile et de plomb ont vu ces jours-ci
passer la marche funèbre des foudroyés à contretemps.
Les tombes dans tous les cimetières ne satisfont pas les pressés
qui nous ont vu courir main dans la main dans une sale ruelle.
Ici les papillons ont changé leur direction vers des précipices
et la poussière se lève des collines où nous jouons
entre azalées et chrysanthèmes de feu.
Dans les stations d’autobus dans les aéroports où tu arrives
caresse les murs que des égyptiens viennent de polir
écoute les coups de tampons sur les visas inutiles.
Dans ces rues quelque chose comme une odeur de toi toujours inquiète
les employés des boulangeries.



TIEMPO DE CANGREJOS

El tiempo fue invención de cangrejos rara epifanía de lirones alados :
sobre los siglos campea un eterno presente de animales antediluvianos
como si una espesa capa de helechos trabara para siempre el mecanismo.
Huye al fin de las horas e intérnate en la memoria
de quienes una vez te poseyeron.
Todo fue sólo el animal que nos une el mordisco el rasguño
de la infecciosa muerte :
En tus lágrimas en mi oscuro deseo en las sábanas heridas
se veían las uñas de un Zepelín recién derrumbado
o la telaraña de un reloj con ojos y con venas.
Huye sin mirar atrás y no invoques la usura
no llores en ciudades extrañas en escaleras desvencijadas :
en un extraño planeta se apeñuscan las voces de los amantes
y los radios baratos que expelían melodías pasadas de moda…
Uno a uno los colchones fueron vendidos en depósitos
y nuestra inquietud de secretos amantes fue cambiada por saliva.
Todas las avenidas llenas de aceite y de plomo han visto estos días
cruzar la marcha fúnebre de los fulminados a destiempo.
En todos los cementerios las tumbas no dan abasto a los apresurados
que nos vieron correr de la mano por una sucia callejuela.
Aquí las mariposas han cambiado su rumbo hacia despeñaderos
y el polvo se levanta de las colinas donde jugamos
entre azaleas y crisantemos de fuego.
En las estaciones de autobuses o en los aeropuertos a donde llegues
acaricia paredes recién pulidas por egipcios
y escucha el golpeteo de los sellos sobre vías inútiles.
En estas calles algo como un olor tuyo suele inquietar
a los trabajadores de las panaderías.




De Temps de crabes/Tiempo de cangrejos  Editions L'Oreille du Loup, 2007