.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


mercredi 2 janvier 2013

Alfonsina Storni (1892-1938, Argentine)




JE VAIS DORMIR


Dents de fleurs, chevelure de rosée,
mains d’herbes, toi, nourrisse délicate,
prépare-moi des draps de terre
et un édredon de mousses déracinées.

Je vais dormir, ma nourrisse, couche-moi.
Mets une lampe à mon chevet ;
une constellation ; celle que tu aimes ;
elles sont toutes bien ; baisse-la un peu.

Laisse-moi seule : écoute les bourgeons se casser…
de là-haut te berce un pied céleste
et un oiseau te trace quelques mouvements

pour que tu oublies… Merci. Ah, une faveur :
s’il me téléphone encore
dis-lui de ne pas insister, que je suis sortie…


VOY A DORMIR


Dientes de flores, cofia de rocío,
manos de hierbas, tú, nodriza fina,
tenme prestas las sábanas terrosas
y el edredón de musgos escardados.

Voy a dormir, nodriza mía, acuéstame.
Ponme una lámpara a la cabecera;
una constelación; la que te guste;
todas son buenas; bájala un poquito.

Déjame sola: oyes romper los brotes...
te acuna un pie celeste desde arriba
y un pájaro te traza unos compases

para que olvides... Gracias. Ah, un encargo:
si él llama nuevamente por teléfono
le dices que no insista, que he salido...

Alfonsina Storni s'est suicidée le 25 octobre 1938 à Mar del Plata.