.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


lundi 24 décembre 2012

Regina José Galindo (1974 - Guatemala)





La mort n’a pas de métaphore
elle est simple et claire

tu arrêtes de fonctionner
tu restes gelé au milieu de tout

la montre
– pendant ce temps –
continue de fonctionner


La muerte no tiene metáfora
es simple y clara

dejás de funcionar
te quedás tieso en medio del todo

el reloj
–mientras–
sigue funcionando





Pressé sur mes entrailles
il demeure
Ça fait un an qu’il vit avec moi
à me sucer le sang
ma sueur
mon sexe

J’ai essayé un avortement
mais cet amour
ne connaît pas la mort.



Prensado a mis entrañas
permanece

Hace un año vive conmigo
chupando mi sangre
mi sudor
mi sexo.

He intentado un aborto
pero este amor
no conoce la muerte.





Je suis un lieu commun
comme l’écho des voix
le visage de la lune.

J’ai deux nichons
– tout petits –
le nez oblong
la taille du peuple.

Myope
de langue vulgaire,
les fesses qui tombent,
la peau orange.

Je me mets devant la glace
et je me masturbe.

Je suis femme
la plus ordinaire
parmi les ordinaires.



Soy un lugar común
como el eco de las voces
el rostro de la luna.

Tengo dos tetas
–diminutas–
la nariz oblonga
la estatura del pueblo.

Miope
de lengua vulgar,
nalgas caídas,
piel naranja.

Me sitúo frente al espejo
y me masturbo.

Soy mujer
la más común
entre las comunes.





Ma grand-mère ne m’a pas laissé
une poupée
un bijou
un je t’aime

elle m’a laissé
– en revanche –
beaucoup de rancunes
enveloppées dans un mouchoir rouge
qui disait :

personnel et intransmissible



Mi abuela no me dejó
una muñeca
una joya
un te quiero

me dejó
–en cambio–
muchos rencores
envueltos en un pañuelo rojo
que decía:

personal e intransmisible








Le Paradis qui apparaît dans la Bible n’est pas le même que celui
  où je suis née.
Ici on tire des cheveux
On arrache des ongles
Enlève des langues
Défonce des culs
Extirpe des mamelons
Viole des vagins
Coupe des doigts
Ampute des jambes
Cogne des visages
Quitte des têtes
Flingue des cœurs
Poignarde des dos
Pisse sur des corps

Et brûle des entrailles



El Paraíso que sale en la Biblia no es el mismo en el que nací.
Acá halan pelos
Arrancan uñas
Sacan lenguas
Rompen culos
Extirpan pezones
Violan vaginas
Cortan dedos
Amputan piernas
Golpean rostros
Quitan cabezas
Balean corazones
Acuchillan espaldas
Orinan cuerpos
Y queman entrañas