.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


vendredi 27 mars 2015

Leopoldo Castilla (1947 - Argentine)




On engendre son vautour : l’oubli.
Quelqu’un ne se souviendra plus d’une femme,
un autre de son pays, de dieu
ou de son destin.
Quelque part
parmi les gestes perdus, les histoires brisées,
errent les soirs inachevés,
flottent absent les objets,
les villes refroidies
et toi et moi, inconnus.

Le chaos comme l’homme
n’est pas fait de lui-même.

Quand il ne restera plus rien
la création s’accomplira vide
accumulant
une intense odeur humaine.
                  Une odeur carnivore.


 
Uno engendra su buitre: el olvido.
Alguien no recordará a una mujer.
otro un país, a dios
o su destino.
En algún lugar
entre los gestos perdidos, las historias rotas,
vagan las tardes inconclusas,
flotan ausente los objetos,
enfriadas las ciudades
y tú y yo, desconocidos.

El caos como el hombre
no está hecho de sí mismo.

Cuando no quede nada
la creación se cumplirá vacía
acumulando
un intenso olor humano.
                
Un olor carnívoro.





Le temps filait en se cachant.
Parfois il semblait un brouillard,
                     parfois du silence.
Quand ils avaient de la peine ils le voyaient. Et aussi
dans le pourrissement
                     et le désir.

Ils lui firent une place dans le troupeau.
Un étranger triste.
Ils lui donnaient à boire de l’eau grise
des filets de rien du tout,
ils lui donnaient à manger leurs morts.

Lui, il dévorait sans les regarder,
c’était une deuxième ombre,
occupant toutes les fentes
le rebondissement de la joie,
les fêlures de l’oubli, les trous noirs de l’effroi.

Depuis lors il ordonne.
Depuis lors
comme le feu
chacun est tué par sa naissance.

Il s’en ira sans se souvenir de nous,
nous laissant derrière
           petits os d’un éclair
                                       
                      (ils se prenaient pour des feuilles.
                                 Et ils étaient le vent.)



Andaba oculto el tiempo.
A veces parecía un nublazón,
                               otras veces silencio.
Cuando se apenaban lo veían. Y también
en la putrefacción
                            y el deseo.

Le hicieron un lugar en la manada.
Un extranjero triste.
Le daban a beber agua perdida,
hilitos de nada,
le daban a comer sus muertos.

El devoraba sin mirarlos,
era una segunda sombra
ocupando todos los resquicios:
de la alegría el salto,
las grietas del olvido, los agujeros del miedo.

Desde entonces manda.
Desde entonces
como al fuego
a cada uno lo mata su nacimiento.

Se irá sin recordarnos.
dejándonos atrás
              huesitos de un relámpago

                                   ( hojas se creían.
                                        Y eran el viento.