.......................................................................................................................................................................................... Photo S.C.
Tartares, Ouzbeks, Nénètses / tout le peuple ukrainien, / et même les Allemands de la Volga / attendent les traducteurs.
Et peut-être, en ce moment, / un Japonais / me traduit en turc / et atteint mon âme.

Ossip Mandelstam


jeudi 4 novembre 2021

Yolanda Pantin (1954 - Venezuela)

 

 

JE EST UNE AUTRE


J’ai accepté l’invitation à voyager.
Dans la voiture,
le paysage défile trop vite.
La musique sourde que l’intérieur repousse
écorche l’oreille.
On traverse le pays sans s’arrêter,
à peine pour pisser ou boire une gorgée d’eau
dans les stations-services.
L’été cogne gris et statique,
comme le ciel.
Des conversations banales distraient le siège
des heures mortes.
On dresse des tentes
au bord d’un fleuve large et boueux.
Les oiseaux piaillent en s’envolant.
Je m’approche du fleuve
comme Narcisse de l’étang.
Les eaux troubles ne reflètent pas mon visage.
J’ai rêvé de ça.

(la blessure a guéri sur la chair morte)



YO SOY OTRA


He aceptado la invitación a viajar.
En el auto,
el paisaje pasa demasiado rápido.
Raspa al oído
la música sorda que el interior repele.
Atravesamos el país sin detenernos,
apenas para orinar o para beber un trago de agua
en las gasolineras.
El verano castiga gris y estático,
como el cielo.
Conversaciones banales distraen el asedio
de las horas muertas.
Levantamos las tiendas
a la orilla de un río ancho y cenegoso.
Las aves chillan al alzar el vuelo.
Me acerco al río
como Narciso al estanque.
Las aguas turbias no reflejan mi rostro.
Yo he soñado con esto.

(la herida ha sanado sobre la carne muerta)