POUPÉE
MÉCANIQUE
Davantage encore
Tu peux te taire davantage encore
Tu peux figer ton regard à la façon des morts
Durant des heures sur la fumée d’une cigarette
Sur une tasse de café, sur la fleur élimée d’un tapis
Sur un message imaginaire qui s’efface du mur
Tu peux écarter le rideau avec des doigts raides
Voir la pluie se déverser sur la rue
Un enfant qui s’abrite sous une saillie
Des cerfs-volants coloriés, une carriole délabrée
Fuyant la place déserte dans une hâte grinçante
Tu peux demeurer inerte près du rideau
Sans rien voir, rien entendre
Tu peux crier d’une voix pas très juste :
J’aime !
Tu peux devenir une femelle saine
Et conquise dans les bras du mâle
Tu peux salir un amour candide en couchant
Avec un ivrogne, un fou, un mendiant
Une nappe de cuir pour corps
Et deux renflements de seins durs
Tu peux rabaisser en toute lucidité
N’importe quelle énigme déconcertante
Tu peux te divertir avec des mots-croisés
Tu peux te contenter d’une solution vaine
Oui, vaine, en cinq lettres
Tu peux te mettre à genoux une vie entière
Tête baissée sur le froid d’un mausolée
Tu peux aussi contempler dieu dans une tombe anonyme
Tu peux aussi racheter ta foi avec une pièce de rien du tout
Tu peux moisir dans les recoins d’une mosquée à réciter des prières
Tu peux continuer à recevoir zéro aux quatre opérations
Tu peux observer tes yeux dans leur coquille de colère
Et de la même façon un bouton terni sur une vieille chaussure
Tu peux t’évaporer comme de l’eau dans une bassine
Tu peux cacher dans un tiroir la beauté d’un instant qui te fait honte
Comme une photo ridicule prise sur le vif
Tu peux mettre l’image d’un martyr, d’un banni
Ou d’un crucifié dans un cadre vide
Tu peux accrocher des masques au mur pour dissimuler un trou
Tu peux te projeter avec d’autres images plus absurdes encore
Tu peux vivre comme une poupée mécanique
Et regarder le monde avec des yeux de verre
Tu peux rester couchée le corps bourré de paille
Des années dans une boîte tapissée de velours
Parmi les dentelles et les paillettes
Tu peux t’extasier en criant sans raison
Chaque fois qu’une main lascive te presse
Ah comme je suis heureuse !
▼
VENDREDI
Vendredi des silences
Vendredi désert
Vendredi triste comme les vieilles allées
Vendredi des pensées mornes, malades
Vendredi des bâillements sournois
Vendredi d’aucune attente
Vendredi de la soumission
Maison vide
Maison triste
Maison qui a fermé sa porte à l’offensive de la jeunesse
Maison de l’ombre et fantôme du soleil
Maison de solitude, d’indécisions, de présages
Maison de rideaux, de livres, de buffets, d’images
Ma vie a passé, calme et sans éclat
Comme un étrange ruisseau
Au cœur de ces vendredis silencieux, déserts
Au cœur de ces maisons vides, lugubres
Calme et sans éclat, elle a passé
Davantage encore
Tu peux te taire davantage encore
Tu peux figer ton regard à la façon des morts
Durant des heures sur la fumée d’une cigarette
Sur une tasse de café, sur la fleur élimée d’un tapis
Sur un message imaginaire qui s’efface du mur
Tu peux écarter le rideau avec des doigts raides
Voir la pluie se déverser sur la rue
Un enfant qui s’abrite sous une saillie
Des cerfs-volants coloriés, une carriole délabrée
Fuyant la place déserte dans une hâte grinçante
Tu peux demeurer inerte près du rideau
Sans rien voir, rien entendre
Tu peux crier d’une voix pas très juste :
J’aime !
Tu peux devenir une femelle saine
Et conquise dans les bras du mâle
Tu peux salir un amour candide en couchant
Avec un ivrogne, un fou, un mendiant
Une nappe de cuir pour corps
Et deux renflements de seins durs
Tu peux rabaisser en toute lucidité
N’importe quelle énigme déconcertante
Tu peux te divertir avec des mots-croisés
Tu peux te contenter d’une solution vaine
Oui, vaine, en cinq lettres
Tu peux te mettre à genoux une vie entière
Tête baissée sur le froid d’un mausolée
Tu peux aussi contempler dieu dans une tombe anonyme
Tu peux aussi racheter ta foi avec une pièce de rien du tout
Tu peux moisir dans les recoins d’une mosquée à réciter des prières
Tu peux continuer à recevoir zéro aux quatre opérations
Tu peux observer tes yeux dans leur coquille de colère
Et de la même façon un bouton terni sur une vieille chaussure
Tu peux t’évaporer comme de l’eau dans une bassine
Tu peux cacher dans un tiroir la beauté d’un instant qui te fait honte
Comme une photo ridicule prise sur le vif
Tu peux mettre l’image d’un martyr, d’un banni
Ou d’un crucifié dans un cadre vide
Tu peux accrocher des masques au mur pour dissimuler un trou
Tu peux te projeter avec d’autres images plus absurdes encore
Tu peux vivre comme une poupée mécanique
Et regarder le monde avec des yeux de verre
Tu peux rester couchée le corps bourré de paille
Des années dans une boîte tapissée de velours
Parmi les dentelles et les paillettes
Tu peux t’extasier en criant sans raison
Chaque fois qu’une main lascive te presse
Ah comme je suis heureuse !
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VENDREDI
Vendredi des silences
Vendredi désert
Vendredi triste comme les vieilles allées
Vendredi des pensées mornes, malades
Vendredi des bâillements sournois
Vendredi d’aucune attente
Vendredi de la soumission
Maison vide
Maison triste
Maison qui a fermé sa porte à l’offensive de la jeunesse
Maison de l’ombre et fantôme du soleil
Maison de solitude, d’indécisions, de présages
Maison de rideaux, de livres, de buffets, d’images
Ma vie a passé, calme et sans éclat
Comme un étrange ruisseau
Au cœur de ces vendredis silencieux, déserts
Au cœur de ces maisons vides, lugubres
Calme et sans éclat, elle a passé
De Seule
la voix demeure/Sólo la voz permanece/ تنها صداست که می ماند
Editions L’Oreille du Loup et Universidad Autónoma de Sinaloa, 2011
Version française de Stéphane Chaumet, en collaboration avec Jaleh Chegeni
Editions L’Oreille du Loup et Universidad Autónoma de Sinaloa, 2011
Version française de Stéphane Chaumet, en collaboration avec Jaleh Chegeni