CUILLÈRE DANGEREUSE
Tu manges le souvenir
avec la cuillère de l’oubli.
C’est une mauvaise cuillère, celle avec laquelle tu manges,
une cuillère qui consume nourriture et convive.
Jusqu’à ce qu’une écuelle d’ombre
te reste
dans une main d’ombre.
GEFÄHRLICHER LÖFFEL
Du ißt die Erinnerung
mit dem Löffel des Vergessens.
Das ist ein böser Löffel, mit dem du isst,
ein Löffel der Speise und Esser verzehrt.
Bis eine Schale aus Schatten
dir übrig bleibt
in einer Schattenhand.
▼
AVEC UN SI LÉGER BAGAGE
Ne prends pas l’habitude.
Tu n’as pas le droit de t’habituer.
Une rose est une rose.
Mais un foyer
n’est pas un foyer.
Rejette le petit chien chose
qui te remue la queue
dans les vitrines.
Il se trompe. Tu
n’as pas l’odeur du sédentaire.
Une cuillère vaut mieux que deux.
Attache-la toi autour du cou,
tu as le droit d’en avoir une
puisqu’avec la main
il est trop difficile de puiser du chaud.
Le sucre te coulerait entre les doigts
comme la consolation,
comme le désir,
le jour
où il sera tien.
Tu as le droit à une cuillère,
une rose,
peut-être un cœur
et, peut-être,
une tombe.
MIT LEICHTEM GEPÄCK
Gewöhn dich nicht.
Du darfst dich nicht gewöhnen.
Eine Rose ist eine Rose.
Aber ein Heim
ist kein Heim.
Sag dem Schoßhund Gegenstand ab
der dich anwedelt
aus den Schaufenstern.
Er irrt. Du
riechst nicht nach Bleiben.
Ein Löffel ist besser als zwei.
Häng ihn dir um den Hals,
du darfst einen haben,
denn mit der Hand
schöpft sich das Heiße zu schwer.
Es liefe der Zucker dir durch die Finger,
wie der Trost,
wie der Wunsch,
an dem Tag
da er dein wird.
Du darfst einen Löffel haben,
eine Rose,
vielleicht ein Herz
und, vielleicht,
ein Grab.
▼
DANS LA GROTTE DE POLYPHÈME
L’aveugle géant essaie encore de me palper.
Sa main compte les brebis.
Partir à nouveau
sous le ventre du mouton.
Encore une fois
sous la main qui compte.
Ceux qui partent
abandonnent tout
ceux qui partent
sous la main qui compte.
Ceux qui fuient
le géant
n’emportent rien
sauf la fuite.
IN DER HÖHLE DES POLYPHEM
Der blinde Riese greift wieder nach mir.
Seine Hand zählt die Schafe.
Fortgehn schon wieder
unter dem Bauch des Widders.
Schon einmal
unter der zählenden Hand.
Die fortgehn
lassen alles zurück
die fortgehn
unter der zählenden Hand.
Die fliehen
vor dem Riesen
nehmen nichts mit
als die Flucht.
▼
OISEAUX AVEC RACINES
Mes mots sont des oiseaux
avec des racines
toujours plus profond
toujours plus haut
cordon ombilical.
Le jour perd son bleu
les mots sont allés dormir.
VÖGEL MIT WURZELN
Meine Worte sind Vögel
mit Wurzeln
immer tiefer
immer höher
Nabelschnur.
Der Tag blaut aus
die Worte sind schlafen gegangen.
De Avec un si léger bagage/Mit leichten gepäck Editions L’Oreille du Loup, 2010
Tu manges le souvenir
avec la cuillère de l’oubli.
C’est une mauvaise cuillère, celle avec laquelle tu manges,
une cuillère qui consume nourriture et convive.
Jusqu’à ce qu’une écuelle d’ombre
te reste
dans une main d’ombre.
GEFÄHRLICHER LÖFFEL
Du ißt die Erinnerung
mit dem Löffel des Vergessens.
Das ist ein böser Löffel, mit dem du isst,
ein Löffel der Speise und Esser verzehrt.
Bis eine Schale aus Schatten
dir übrig bleibt
in einer Schattenhand.
▼
AVEC UN SI LÉGER BAGAGE
Ne prends pas l’habitude.
Tu n’as pas le droit de t’habituer.
Une rose est une rose.
Mais un foyer
n’est pas un foyer.
Rejette le petit chien chose
qui te remue la queue
dans les vitrines.
Il se trompe. Tu
n’as pas l’odeur du sédentaire.
Une cuillère vaut mieux que deux.
Attache-la toi autour du cou,
tu as le droit d’en avoir une
puisqu’avec la main
il est trop difficile de puiser du chaud.
Le sucre te coulerait entre les doigts
comme la consolation,
comme le désir,
le jour
où il sera tien.
Tu as le droit à une cuillère,
une rose,
peut-être un cœur
et, peut-être,
une tombe.
MIT LEICHTEM GEPÄCK
Gewöhn dich nicht.
Du darfst dich nicht gewöhnen.
Eine Rose ist eine Rose.
Aber ein Heim
ist kein Heim.
Sag dem Schoßhund Gegenstand ab
der dich anwedelt
aus den Schaufenstern.
Er irrt. Du
riechst nicht nach Bleiben.
Ein Löffel ist besser als zwei.
Häng ihn dir um den Hals,
du darfst einen haben,
denn mit der Hand
schöpft sich das Heiße zu schwer.
Es liefe der Zucker dir durch die Finger,
wie der Trost,
wie der Wunsch,
an dem Tag
da er dein wird.
Du darfst einen Löffel haben,
eine Rose,
vielleicht ein Herz
und, vielleicht,
ein Grab.
▼
DANS LA GROTTE DE POLYPHÈME
L’aveugle géant essaie encore de me palper.
Sa main compte les brebis.
Partir à nouveau
sous le ventre du mouton.
Encore une fois
sous la main qui compte.
Ceux qui partent
abandonnent tout
ceux qui partent
sous la main qui compte.
Ceux qui fuient
le géant
n’emportent rien
sauf la fuite.
IN DER HÖHLE DES POLYPHEM
Der blinde Riese greift wieder nach mir.
Seine Hand zählt die Schafe.
Fortgehn schon wieder
unter dem Bauch des Widders.
Schon einmal
unter der zählenden Hand.
Die fortgehn
lassen alles zurück
die fortgehn
unter der zählenden Hand.
Die fliehen
vor dem Riesen
nehmen nichts mit
als die Flucht.
▼
OISEAUX AVEC RACINES
Mes mots sont des oiseaux
avec des racines
toujours plus profond
toujours plus haut
cordon ombilical.
Le jour perd son bleu
les mots sont allés dormir.
VÖGEL MIT WURZELN
Meine Worte sind Vögel
mit Wurzeln
immer tiefer
immer höher
Nabelschnur.
Der Tag blaut aus
die Worte sind schlafen gegangen.
De Avec un si léger bagage/Mit leichten gepäck Editions L’Oreille du Loup, 2010